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cents ans. J’ai toujours aimé mon nom ; je n’ai rien oublié pour élever tous ceux qui l’ont porté de mon temps ; je n’y ai pas été heureux. Son père et sa mère, gens de beaucoup d’esprit, mais avares, obscurs, fort retirés, n’avoient point d’autres enfants. Ils étoient riches en belles terres en Picardie ; ils ne bougeoient de chez mon père, et après de chez moi.

Je procurai une compagnie de cavalerie à leur fils de fort bonne heure, et le premier usage que je fis de l’amitié de Chamillart fut de faire donner fort tôt après à ce jeune homme l’agrément au régiment de Berry cavalerie, que Yolet, très bon officier, vendit de dépit de n’être pas maréchal de camp. La cherté effraya le père ; je m’obligeai à le payer, et priai Yolet de faire le marché au mot du père, et que je donnerois le surplus. Le père, étonné d’un si grand et si prompt rabois, se douta de ce que j’avois fait, se piqua, et conclut, à peu de chose près, qui demeura sur mon compte, et qu’ils m’ont rendu depuis. Ce régiment alla bientôt en Espagne. Mme des Ursins y régnoit, et je pouvois compter sur elle ; M. le duc d’Orléans y commanda l’armée bientôt après ; il eut toutes les bontés les plus marquées pour Sandricourt, et Mme des Ursins lui donna une protection distinguée. Je le recommandai aussi à tout ce que je connus qui le pouvoit servir et même conduire. Il avoit de la valeur et de la volonté ; en trois ans Chamillart le fit brigadier, aux cris de la foule de ses cadets d’Italie, d’Allemagne et de Flandre. Il fit un tour à Paris l’hiver d’après le mariage de M. le duc de Berry. Je l’eus chez moi à la cour, le présentai partout, et lui fis donner les entrées chez ce prince, sous prétexte qu’il commandoit son régiment. À son retour, à la paix, j’en usai de la même manière, et je crus pouvoir le former au monde après l’avoir vu plusieurs campagnes à la guerre, où il s’étoit acquis de la réputation.

Il y avoit déjà longtemps que son père et sa mère le vouloient