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sortes d’esprit, et avec un air tout grossier et tout naturel, plus d’art, de tour, de persuasion, de finesse, de souplesse. Il étoit et il disoit tout ce qu’il vouloit, et comme il le vouloit ; et hors d’intérêt, il étoit bon homme, et aimoit à faire plaisir. Toutes ces raisons me déterminèrent à m’opiniâtrer pour lui.

La défense du régent dura plus de douze ou quinze jours. Il se rendit enfin, mais de mauvaise grâce ; d’Antin fut déclaré chef du conseil des affaires du dedans du royaume ; mais quelque soin, quelques contours qu’il put employer, jamais il ne prit bien avec M. le duc d’Orléans.

Je proposai à ce prince le marquis de Brancas et Beringhen, premier écuyer du roi, pour entrer dans ce conseil. Je réussis aisément pour le premier des deux qui s’étoit bien conservé avec lui, et à qui sa brouillerie ouverte avec la princesse des Ursins avoit ajouté du mérite. Je n’obtins pas l’autre avec tant de facilité.

C’étoit un personnage de ce qu’on appeloit alors de la vieille cour, mais plus par ses amis et ses liaisons, le soutien de sa charge, et l’habitude de la cour et du grand monde, que par lui-même. Il étoit fort honnête homme, court d’esprit, pesant de langage, fort bien avec le roi, avec le duc du Maine, avec le maréchal de Villeroy, avec Harcourt, avec son cousin germain le maréchal d’Huxelles, avec le premier président, intime de ces deux derniers, fort lié encore avec le duc d’Aumont, son beau-frère, que j’empêchai d’arriver à rien, assez aussi avec le duc d’Humières, son autre beau-frère, pour qui M. le duc d’Orléans m’avoit promis merveilles, et à lui-même aussi, car je les avois abouchés tous deux dans les derniers jours de la vie du roi en rendez-vous pris exprès dans un bosquet de Versailles près de l’Orangerie. Je n’ai pu démêler ce qui nous fit manquer de parole, mais jamais je n’ai pu parvenir à rien pour lui, quelque travail que je m’en sois donné. Enfin je résolus le régent à mettre Beringhen dans le conseil du dedans. On