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toujours passer une partie à Marly. Rien peut-être n’étoit plus ridicule qu’un magistrat arbitre des fortifications et des ingénieurs. Le régent ôtant la guerre à la robe lui en ôta aussi cette partie si principale, et je l’engageai assez aisément de la donner à Asfeld.

Saint-Hilaire, lieutenant général de l’artillerie, en eut le département au conseil de guerre. Il étoit fils de celui qui eut le bras emporté du même coup de canon qui tua M. de Turenne, et il y étoit présent. C’étoit un homme fort lourd, mais qui entendoit bien l’artillerie [1]. Lui et Reynold furent regardés comme deux [personnes] nulles. Ce dernier étoit colonel du régiment des gardes suisses, et eut le corps des Suisses pour son département au conseil de guerre. Il s’étoit offert de très bonne grâce à M. le duc d’Orléans tout d’abord, et sans autre ménagement pour M. du Maine, avec qui il étoit bien, que de respect, cela en galant homme qui va droit où l’autorité doit être. L’autre en avoit fait autant pour l’artillerie. Tous ces messieurs étoient lieutenants généraux.

Il fallut songer aux vivres, étapes, fourrages, et aux divers marchés, par conséquent à des gens dont ce fût plus particulièrement le métier. C’est ce qui fit choisir deux intendants de frontière distingués en ce genre : Le Blanc, de la partie maritime de la Flandre, et Saint-Contest de Metz, qui étoit de mes amis, et qu’on a vu ici aller signer en troisième la paix de l’empereur et de l’empire à Bade. C’étoit un homme d’un extérieur lourd et grossier, avec toutes les manières ridiculement bourgeoises, qui avoit tout l’art, la finesse, la souplesse, les vues et les tours pour arriver à ses fins sans avoir l’air de penser à rien, lors même qu’il y travailloit le plus. Cela lui étoit naturel. Avec cela doux, liant, accessible et honnête homme. Il fut enfin reconnu à Cambrai

  1. Saint Hilaire a laissé une Histoire de Louis XIV (1661-1715) qui a été imprimé en quatre volumes in-12. Le ms. conservé à la Bibl. impér. du Louvre (4 vol. in fol.) est plus complet que l’imprimé. Cf., t. XII, p. 500.