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de Mme de Montespan. Elle prit de l’amitié pour elle, et quand elle eut ses premiers enfants du roi, M. du Maine et Mme la Duchesse qu’on voulut cacher, elle lui proposa de les confier à Mme Scarron, à qui on donna une maison au Marais pour y loger avec eux, et de quoi les entretenir et les élever dans le dernier secret. Dans les suites, ces enfants furent amenés à Mme de Montespan, puis montrés au roi, et de là peu à peu tirés du secret, et avoués. Leur gouvernante, fixée avec eux à la cour, y plut de plus en plus à Mme de Montespan, qui lui fit donner par le roi à diverses reprises. Lui, au contraire, ne la pouvoit souffrir ; ce qu’il lui donnoit quelquefois, et toujours peu, n’étoit que par excès de complaisance, et avec un regret qu’il ne cachoit pas.

La terre de Maintenon étant tombée en vente, la proximité de Versailles en tenta si bien Mme de Montespan, pour Mme Scarron, qu’elle ne laissa point de repos au roi qu’elle n’en eût tiré de quoi la faire acheter à cette femme, qui prit alors le nom de Maintenon, ou fort peu de temps après. Elle obtint aussi de quoi en raccommoder le château, et attaqua le roi encore pour donner de quoi rajuster le jardin, car MM. d’Angennes y avoient tout laissé ruiner.

C’étoit à sa toilette où cela se passoit, et où le seul capitaine des gardes en quartier suivoit le roi. C’étoit M. le maréchal de Lorges, homme le plus vrai qui fut jamais, et qui m’a souvent conté la scène dont il fut témoin ce jour-là. Le roi fit d’abord la sourde oreille, puis refusa. Enfin impatienté de ce que Mme de Montespan ne démordoit point et insistoit toujours, il se fâcha, lui dit qu’il n’avoit déjà que trop fait pour cette créature, qu’il ne comprenoit pas la fantaisie de Mme de Montespan pour elle, et son opiniâtreté à la garder, après tant de fois qu’il l’avoit priée de s’en défaire ; qu’il avouoit pour lui qu’elle lui étoit insupportable, et que pourvu qu’on lui promit qu’il ne la verroit plus, et qu’on ne lui en parleroit jamais, il donneroit encore, quoique, pour