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cette belle convention pour n’avoir rien à y ajouter. Il en eut encore quatre cent mille livres, outre tout ce qu’il en avoit tiré du feu roi.

Peu de jours après, la facilité du régent, et l’extrême et pressant besoin des finances fit accorder à Crosat l’agrément de la charge de trésorier de l’ordre, à rembourser aux héritiers de l’avocat général Chauvelin. Le régent y trouva le prêt d’un million au roi en barres d’argent, et l’engagement pour deux autres millions que fit Crosat. Térat eut le râpé de cette charge Il étoit depuis longtemps chancelier et surintendant des affaires de Monsieur, et de M. le duc d’Orléans ensuite, exact, appliqué, désintéressé, vertueux et fort honorable, qui faisoit sa charge avec dignité, au profit de son maître, et à la satisfaction de tout ce qui avoit affaire à lui : rara avis certes au Palais-Royal. Le mérite fit passer ce râpé au public ; mais pour Crosat, ce fut un cri général.

Crosat étoit de Languedoc, où il s’étoit fourré chez Penautier en fort bas étage ; on a dit même qu’il avoit été son laquais. Il fut petit commis et parvint par degrés à devenir son caissier. On a vu quel étoit Penautier. Enrichi dans ce poste, il nagea en plus grande eau ; mais il ne voulut point tâter de la finance ordinaire. Il donna dans la banque, dans les armateurs, et devint le plus riche homme de Paris. Le roi voulut qu’il fût intendant du duc de Vendôme, quand il ôta le maniement de ses affaires délabrées des mains et du pillage du grand prieur et de l’abbé de Chaulieu, à qui il les avoit confiées depuis longtemps ; enfin Crosat fut trésorier ou receveur du clergé, qui est un emploi fort lucratif. On peut juger qu’il étoit énormément riche et glorieux à proportion, par le mariage qu’il fit de sa fille avec le comte d’Évreux, qui devint le repentir et la douleur de tout le reste de sa vie ; mais il eut aussi de quoi se consoler par le mérite de ses trois fils, qui a fait oublier tout le reste en leurs personnes.

La Bazinière, trésorier de l’épargne, qui ne valoit pas