Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compliment fort court au régent, qui se leva, et en même temps toute la séance, et on s’en alla.

Il faut ici se souvenir de la très singulière rencontre en même pensée sur ces conseils entre le duc de Chevreuse et moi (t. VII, p. 99), conseils destinés et adoptés par M. le duc de Bourgogne, et donnés en cette seconde séance par le régent pour avoir été trouvés dans ses papiers. On ne peut exprimer l’impression que fit ce nom auguste, ni à quel point la mémoire de ce prince parut chère, et sa personne regrettée et respectée avec la plus sincère vénération.

Il alla droit du palais à Versailles, parce qu’il étoit fort tard, et qu’il vouloit voir le roi avant qu’il se couchât, comme pour lui rendre compte de ce qui s’étoit passé. Il y reçut les compliments forcés des deux vieux amants, et de là s’en alla chez Madame. Elle fut au-devant de lui l’embrasser, ravie de joie, et après les premières questions et conjouissances, elle lui dit qu’elle ne désiroit rien autre chose que le bonheur de l’État par un bon et sage gouvernement, et sa gloire à lui ; qu’elle ne lui demanderoit jamais rien qu’une seule chose qui n’étoit que pour son bien et son honneur, mais qu’elle lui en demandoit sa parole précise : c’étoit de n’employer jamais en rien du tout, pour peu que ce fût, l’abbé Dubois, qui étoit le plus grand coquin et le plus insigne fripon qu’il y eût au monde, ce dont elle avoit mille et mille preuves, qui, pour peu qu’il pût se fourrer, voudroit aller à tout, et le vendroit lui et l’État pour son plus léger intérêt. Elle en dit bien d’autres sur son compte, et pressa tant M. son fils qu’elle en tira parole positive de ne l’employer jamais.

J’arrivai une heure après à Versailles. J’allai chez Mme la duchesse de Berry, qui étoit ravie. M. le duc d’Orléans en sortoit. Je vis après Mme la duchesse d’Orléans qui me parut tâcher d’être bien aise. J’évitai les détails avec elle sous prétexte de m’aller reposer. Ce n’étoit pas sans besoin. J’appris le lendemain la parole exigée et donnée de l’exclusion