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ment, de sorte qu’ils ne purent se contenir, et répandirent la victoire complète du duc du Maine sur M. le duc d’Orléans dans Versailles. Paris fut aussi dans la même erreur, répandue par les émissaires du duc du Maine de tous côtés, mais le triomphe ne fut pas de longue durée.

Nous retournâmes au parlement un peu avant quatre heures. J’y allai seul dans mon carrosse un moment avant M. le duc d’Orléans, et j’y trouvai tout en séance. J’y fus regardé avec grande curiosité, à ce qu’il me parut ; je ne sais si on étoit instruit d’où je venois. J’eus soin que mon maintien ne montrât rien. Je dis seulement en passant au duc de La Force que son conseil avoit été salutaire, que j’avois lieu d’en espérer tout succès, et que j’avois dit à M. le duc d’Orléans que c’étoit lui qui l’avoit pensé et me l’avoit dit. M. le duc d’Orléans arrivé, et le bruit inséparable d’une nombreuse suite apaisée, il dit qu’il falloit reprendre les choses où elles en étoient demeurées le matin ; qu’il devoit dire à la cour qu’il n’étoit demeuré d’accord de rien avec M. du Maine, en même temps lui remettre devant les yeux les clauses monstrueuses d’un codicille arraché à un prince mourant, clauses bien plus étranges encore que les dispositions du testament que la cour n’avoit pas jugé devoir être exécutées, et que la cour ne pouvoit passer à M. du Maine d’être maître de la personne du roi, de la cour, de Paris, par conséquent de l’État, de la personne, de la liberté, de la vie du régent, qu’il seroit en état de faire arrêter à toute heure, dès qu’il seroit le maître absolu et indépendant de la maison du roi civile et militaire ; que la cour voyoit ce qui devoit nécessairement résulter d’une nouveauté inouïe qui mettoit tout entre les mains de M. du Maine, et qu’il laissoit aux lumières, à la prudence de la compagnie, à sa sagesse, son équité, à son amour pour l’État, à déclarer ce qu’elle en pensoit.

M. du Maine parut alors aussi méprisable sur le pré, qu’il étoit redoutable dans l’obscurité des cabinets. Il avoit l’air