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racher ce qu’il n’avoit pu entendre. Il conclut par déclarer que la régence étoit impossible à exercer avec de telles conditions, et qu’il ne doutoit pas que la sagesse de la compagnie n’annulât un codicille qui ne se pouvoit soutenir, et dont les règlements jetteroient la France dans les malheurs les plus grands et les plus indispensables. Tandis que ce prince parloit, un profond et morne silence lui applaudissoit, sans s’expliquer.

Le duc du Maine, devenu de toutes les couleurs, prit la parole, qui pour cette fois lui fut laissée. Il dit que l’éducation du roi, et par conséquent sa personne, lui étant confiée, c’étoit une suite toute naturelle qu’il eût, privativement à tout autre, l’entière autorité sur sa maison civile et militaire, sans quoi il ne pouvoit se charger de le faire servir, ni répondre de sa personne ; et de là à vanter son attachement, si connu du feu roi, qu’il y avoit mis toute sa confiance.

M. le duc d’Orléans l’interrompit à ce mot, qu’il releva. M. du Maine voulut le tempérer par les louanges du maréchal de Villeroy adjoint à lui, mais sous lui dans la même charge et la même confiance. M. le duc d’Orléans reprit qu’il seroit étrange que la première et plus entière confiance ne fût pas en lui, et plus encore qu’il ne pût vivre auprès du roi que sous l’autorité et la protection de ceux qui se seroient rendus les maîtres absolus du dedans et du dehors, et de Paris même par les régiments des gardes.

La dispute s’échauffoit, se morceloit par phrases coupées de l’un à l’autre, lorsque en peine de la fin d’une altercation qui devenoit indécente, et cédant à l’ouverture que le duc de La Force venoit de me faire par-devant le duc de La Rochefoucauld qui siégeoit entre nous deux, je fis signe de la main à M. le duc d’Orléans de sortir et d’aller achever cette discussion dans la quatrième des enquêtes, qui a une porte de communication dans la grand’chambre, et où il n’y avoit personne. Ce qui me détermina à cette action fut que