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je l’énonçasse clairement ici comme je fais, et (me découvrant et me recouvrant aussitôt) que j’eusse l’honneur de l’interpeller ici lui-même d’y déclarer que telle est la parole qu’il nous a donnée, et sur laquelle uniquement nous comptons, et en conséquence nous [nous] bornons présentement à ce qui vient d’être dit et déclaré par moi, de son aveu et permission expresse et formelle, en présence de quinze ou seize pairs ci-présents qu’il manda hier au soir chez lui[1].

Le silence profond avec lequel je fus écouté témoigna la surprise de toute l’assistance. M. le duc d’Orléans se découvrit, en affirmant ce que je venois de dire, assez bas et l’air embarrassé, et se recouvrit.

Aussitôt après je regardai M. du Maine, qui me parut avoir un air content d’en être quitte à si bon marché, et que mes voisins me dirent avoir eu l’air fort en peine à mon début.

Un silence fort court suivit ma protestation, après quoi je vis le premier président dire quelques mots assez bas à M. le duc d’Orléans, puis faire tout haut la députation du parlement pour aller chercher le testament du roi et son codicille, qui avoit été mis au même lieu. Le silence continua pendant cette grande et courte attente ; chacun se regardoit sans se remuer. Nous étions tous aux siéges bas, les portes étoient censées fermées, mais la grand’chambre étoit pleine de curieux de qualité et de tous états, et de la suite nombreuse de ce qui étoit en séance. M. le duc d’Orléans avoit eu la facilité de se laisser leurrer, en cas de besoin, du secours d’Angleterre, et pour cela de faire placer milord Stairs dans une des lanternes. Ce fut l’ouvrage du duc de Noailles, de Canillac, de l’abbé Dubois.

Il y en avoit un autre plus présent. Le régiment des gardes occupoit sourdement toutes les avenues, et tous les

  1. Voy. notes à la fin du volume.