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M. du Maine ne fut pas le seul à tirer tout le possible des derniers temps de la vie du roi. Voysin l’avoit assez bien servi pour en être encore payé, outre les charges dans lesquelles il régnoit, mais qui étoient nécessaires au règne et à l’apothéose du duc du Maine et des siens. Voysin vouloit du bien, n’ayant plus de places ni d’honneurs à prétendre. Il obtint deux cent mille écus sur le revenant-bon du non-complet des troupes, qui excitèrent contre lui un cri universel qui fut la moindre de ses inquiétudes [1].

Le P. Tellier, qui n’avoit pu venir à bout de son concile national, où lui et Bissy se faisoient fort de faire recevoir la constitution, voyoit avec désespoir le risque qu’elle couroit si le roi mouroit avant qu’elle fût reçue. Il y fit donc un dernier effort. Le roi manda plusieurs fois là-dessus le premier président et le parquet à Marly. D’Aguesseau, procureur général, étoit celui qui tenoit le plus ferme. Mesmes, premier président, nageoit entre la cour et sa compagnie. Fleury, premier avocat général, mettoit tout son esprit et toute sa finesse, et personne n’avoit plus de l’un et de l’autre, à gagner du temps sans trop s’opposer de front. Chauvelin, autre avocat général plein d’esprit, de savoir, de lumières, n’avoit de dieu ni de loi que sa fortune. Il étoit vendu aux jésuites, et à tout ce qui la lui pouvoit procurer et avancer. Tellier, sûr de lui, l’avoit mis dans la confiance secrète du roi qui le mandoit souvent depuis près d’un an, le faisoit entrer par les derrières, et travailloit secrètement tête à tête avec lui. Blancménil, fils de Lamoignon, valet à tout faire, et comme tous les siens esclave des jésuites, n’étoit pas pour payer d’autre chose que de courbettes. On se doutoit de quelque résolution violente sur quelques mots échappés au roi, exprès sans doute pour intimider. La femme du procureur général, sœur de d’Ormesson, exhorta

  1. Passage omis dans les précédentes éditions depuis M. du Maine, jusqu’à de ses inquiétudes.