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Les jésuites, transportés de voir désormais Bissy en état de figurer à leur gré, eurent en même temps un autre sujet de grande joie. Il le faut expliquer. Ils ont les trois vœux ordinaires à tous les religieux, pauvreté, chasteté, obéissance, dont le dernier est rigoureusement observé chez eux. La plupart en demeurent là, et ne vont pas jusqu’au quatrième, où ils n’admettent qu’après un long examen de dévouement et de talents ; c’est un secret impénétrable. Eux-mêmes ne savent pas qui d’entre eux est du quatrième vœu, et jusqu’à ceux qui y ont été admis ne connoissent pas tous ceux qui l’ont fait. Jusqu’à ce quatrième vœu exclusivement, les jésuites ne sont point liés à leurs religieux : ils les peuvent renvoyer, et comme le réciproque n’y est pas, cela est d’un grand avantage pour leur compagnie. Ceux-là seuls qui ont fait le quatrième vœu sont réputés profès ; les autres s’appellent parmi eux coadjuteurs spirituels. Ces derniers ne sont exclus d’aucuns des emplois qui ne sont pas importants au gouvernement secret, en sorte qu’il y en a de ce degré qui sont même provinciaux [1]. Aucuns de ceux-là ne peuvent quitter la compagnie, parce qu’ils ont fait les trois vœux solennels ; mais comme à son égard ils ne sont pas profès, parce qu’ils n’ont pas fait le quatrième, la compagnie peut les renvoyer sans aucune forme, et simplement par un ordre de se retirer et de quitter l’habit. Ainsi un coadjuteur spirituel vieux, et ayant passé par les emplois, peut toujours être renvoyé, et même sans savoir pourquoi.

L’inconvénient étoit de mettre à la mendicité des gens crus engagés par leurs familles et qui avoient fait leurs partages sur ce pied-là, autorisés par les lois qui réputent morts civilement ceux qui ont fait les trois vœux solennels, où que ce puisse être, et qui n’ont point réclamé contre dans

  1. On appelait provinciaux, dans plusieurs ordres religieux, les supérieurs dont l’autorité s’étendait sur toutes les maisons de cet ordre comprises dans une certaine circonscription territoriale.