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voulu passer sa vie, s’il avoit pu y avoir de quoi vivre avec dignité, et que le cardinalat eût pu compatir avec la nonciature. Il n’en sorti pas avec moins d’estime [pour retourner] à Rome, où tôt après il eut une des trois grandes légations qu’il exerça avec la même capacité. Il vit encore avec la même capacité à quatre-vingts ans, évêque d’Ancône. Il vint de l’abbaye Saint-Germain des Près, dans une carrosse du roi, à Marly, le jeudi 18 juillet ; il y présenta au roi à la fin de sa messe la barrette dans un bassin de vermeil, qui la mit sur la tête de Bissy, lequel alla aussi prendre l’habit rouge dans la sacristie, vint faire son remercîment au roi à la porte de son cabinet, et s’en retourna avec Massei à Paris, qu’il logea, voitura et défraya tant qu’il fut à Paris, suivant la coutume.

Ces Bissy s’appellent Thiard, sont de Bourgogne, ont été petits juges, puis conseillers aux présidiaux du Mâconnois et du Charolois, devinrent lieutenants généraux de ces petites juridictions, acquirent Bissy qui n’étoit rien, dont peu à peu ils firent une petite terre, et l’accrurent après que leur petite fortune les eut portés dans les parlements de Dijon et de Dôle [1], où ils furent conseillers, puis présidents, et ont eu enfin un premier président en celui de Dôle. Leur belle date est leur Pontus Thiard, né à Bissy, en 1521 ; qui se rendit célèbre par les lettres, et dont le père étoit lieutenant général de ces justices subalternes aux bailliages du Mâconnois et Charolois. C’étoit un temps où les savants ranimés par François Ier brilloient ; celui-ci étoit le premier poète latin de son temps, et en commerce avec tous les illustres. Cela lui valut l’évêché de Châlon-sur-Saône, qu’il fit passer à son neveu. Ce premier président du parlement de Dôle, dont les enfants quittèrent la robe, étoit le grand-père du père du vieux Bissy, père du cardinal.

  1. Le parlement de Franche-Comté fut établi dans les premiers temps à Dôle. Louis XIV le transféra à Besançon en 1676.