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de ne parler ; jamais à M. le duc d’Orléans de ses affaires, ni du Palais-Royal ; que je me trouvois si bien de cette coutume que je ne pouvois la changer. Ma fermeté n’ébranla point la sienne. Elle me pressa, elle me tourmenta, me força enfin de représenter à M. le duc d’Orléans le discrédit, et les suites de la mauvaise administration de ses affaires, de prendre mon temps que le marquis d’Effiat seroit avec lui, qu’il m’appuieroit dans cette conversation, que je viendrois à proposer tout de suite à M. le duc d’Orléans de prier Effiat de s’en mêler avec toute autorité, qu’il ne le refuseroit pas en face, ni d’Effiat d’y entrer pour les rectifier.

Deux jours après, sans avoir vu le marquis d’Effiat, je le trouvai chez M. le duc d’Orléans, où je ne serois pas entré en tiers sans la promesse que Mme la duchesse d’Orléans m’avoit arrachée. Nous causâmes quelque temps de choses indifférentes, enfin je fis ma représentation, et tout de suite ma conclusion. Ils me laissèrent tous deux dire jusqu’au bout ; et quand j’eus fini, M. le duc d’Orléans me dit qu’il ne savoit pas où je prenois le dérangement de ses affaires, et le mauvais effet qu’il faisoit dans le public ; de là il se mit à en vanter le bon ordre. Je répondis que je croyois pourtant en être bien informé, et par gens qui n’y prenoient d’autre intérêt que le sien ; puis regardant le marquis d’Effiat, qui avoit gardé là-dessus le plus profond silence, je dis à M. le duc d’Orléans de demander à d’Effiat ce qu’il en savoit et pensoit, qui en pouvoit être mieux informé peut-être que les personnes qui m’avoient parlé. Là-dessus d’Effiat me dit qu’elles étoient sûrement très mal informées, qu’il n’avoit jamais suivi de près les choses qui ne le regardoient point, mais qu’il en savoit pourtant assez pour pouvoir m’assurer que les affaires de M. le duc d’Orléans étoient dans le meilleur ordre du monde, les mieux administrées, et renchérit longuement sur ce que M. le duc d’Orléans m’avoit répondu. Ils se renvoyèrent même la balle l’un à l’autre avec complaisance,