Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

du succès, parce qu’on jugeoit bien que ce n’étoit pas pour moi que je plaidois, et que je le prouvois par mon absence. Coettenfao et l’évêque d’Avranches, qui étoient à Rouen, m’en avertirent. Je partis deux jours après pour m’y rendre, malgré les affaires dont j’étois alors occupé. Je vis toits les juges et mes anciens amis ; je ne négligeai rien de tout ce qui pouvoit servir au gain du procès ; et je demeurai huit ou dix jours à montrer que c’étoit très sérieusement et pour moi que je le soutenois, et que je n’oubliois rien pour l’emporter. Ce voyage changea la face de l’affaire ; la mère et les héritiers eurent peur et me firent proposer un accommodement. Je le refusai, et en avertis Coettenfao et son frère. Je leur dis que, comme ils savoient bien, par ce que je leur en avois déclaré d’abord, que je n’en mettrois pas un sou dans ma poche, m’accommoder ou non, m’accommoder d’une façon ou d’une autre m’étoient choses entièrement indifférentes ; que c’étoit à eux à voir ce qui leur convenoit le mieux, et à me faire agir en conséquence. Malgré mon refus, les parties me firent faire encore des propositions ; et tant fut procédé que Coettenfao et son frère réglèrent l’accommodement de manière que la plus grande partie me fut cédée. Alors Coettenfao et son frère aimèrent mieux cela que l’incertitude d’un arrêt et les longueurs de la chicane. Ils me prièrent d’y passer, et je signai l’accommodement avec les parties, et le moment d’après je fis les signatures et tout ce qui étoit nécessaire pour que tout ce qui me revenoit fût mis, sans entrer en mes mains, entre celles de M. de Coettenfao, qui toucha tout aussitôt.

À quatre ou cinq mois de là, lui et son frère firent faire une belle et bonne vaisselle à mes armes, avec un secret profond et fort bien observé jusqu’à deux jours après qu’elle fut apportée chez moi, et laissée par des crocheteurs, sans dire ce que c’étoit que ces ballots, ni de quelle part. Ils s’enfuirent dès qu’ils les eurent déchargés. Mlle d’Avaise, demoiselle de bon lieu et de grande vertu, mais pauvre, qui