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Coettenfao mourut fort peu de temps après cette nomination. Quelque temps après Mmes d’Armentières et de Beauvau eurent leurs places.

La mort de Mme de Coettenfao me donna des affaires auxquelles je ne m’attendois pas. Elle étoit peu de chose, fille d’un conseiller au parlement et d’une fille de cette Mme de Motteville, dont nous avons de si bons Mémoires de la régence de la reine Anne d’Autriche. Mme de Coettenfao n’avoit point d’enfants ni d’héritiers proches. Son mari, qui étoit depuis bien des années extrêmement de mes amis, et que j’avois fait chevalier d’honneur de Mme la duchesse de Berry, m’avoit prié, les trois dernières campagnes, de lui garder une cassette, et en cas de mort de la remettre à sa femme. Elle tomba fort malade, et m’envoya prier, à Marly où j’étois, de lui aller parler à Paris. J’y fus aussitôt ; elle se hâta de me remettre la même cassette, sans me rien dire au delà, ni de ce qu’elle contenoit, ni de ce qu’elle vouloit que j’en fisse, et acheva de me parler derrière un paravent, car elle étoit encore debout, fort troublée de ce que sa mère, avec qui elle logeoit, entra dans la chambre. J’emportai la cassette chez moi, et retournai à Marly. À huit ou dix jours de là elle mourut. Il fallut articuler cette cassette, et l’envoyer ouvrir chez le lieutenant civil.

On y trouva un testament, par lequel elle me donnoit tout ce dont elle pouvoit disposer, qui alloit à plus de cinq cent mille francs. J’entendis aisément, sans que personne m’en ouvrît la bouche, ce que c’étoit que ce grand présent. Je le dis à Coettenfao et à son frère, évêque d’Avranches, et je pris toutes mes mesures pour recueillir cette succession et la remettre sur-le-champ à Coettenfao. Les héritiers et la mère se préparèrent à me la disputer, moi à me défendre. Je me croyois bien fort parce que, qui que ce soit ne m’ayant parlé de ce legs, encore moins de l’objet de son usage, j’étois en état de jurer là-dessus en plein parlement ; mais il venoit d’y intervenir tout nouvellement