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comme un duc et pair démis, et son fils ne pouvoit jamais prétendre d’y revenir ni les siens, mais il reprenoit, mais sans aucun rang ni honneurs, son nom, ses armes, ses livrées ainsi que toute la postérité du fils de Matignon et de la fille de Monaco. Ainsi M. de Monaco vendit sa dignité et sa fille très chèrement, et se réserva de la retenir s’il avoit un fils. Rien de plus monstrueux ne se pouvoit imaginer après l’habilité à la couronne, et les grandeurs des bâtards du roi et de Mme de Montespan. Ce prodige de concession n’eut pas lieu parce que M. de Monaco n’eut point de fils. Il y eut encore d’autres choses passées entre M. de Monaco et M. de Matignon, touchant la réversion des biens en cas de naissance d’un fils. Comme le mariage ne se pouvoit faire sans aplanir auparavant des difficultés intrinsèques et qu’il étoit pourtant très nécessaire d’en bien assurer le fondement, toutes ces monstrueuses concessions furent énoncées par un brevet du 24 juillet 1715. Le 20 octobre suivant, six semaines après la mort du roi, le fils de Matignon épousa à Monaco la fille aînée de M. de Monaco. Au mois de décembre suivant, les lettres d’érection furent expédiées conformément en tout au brevet du 24 juillet précédent ; en quoi M. le duc d’Orléans, régent, ni le conseil de régence, ne trouvèrent point de difficulté, parce que la concession du feu roi avoit été publique, qu’ils en avoient tous connoissance, et que ce brevet, expédié du vivant du roi, en faisoit foi. Par les mêmes raisons le parlement enregistra sans difficulté les lettres d’érection, le 2 septembre 1716, dès qu’elles y furent présentées, et le nouveau duc de Valentinois y fut reçu comme pair de France le 14 décembre suivant.

Le roi fit présent à Voysin, chancelier et secrétaire d’État ayant le département de la guerre, du revenant-bon du non-complet des troupes, qu’il dit aller à cinq cent mille livres. Cette libéralité étoit bien due aux services de cette âme damnée de la constitution, de Mme de Maintenon et de M.