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Le roi fit à M. le Grand les grâces les plus singulières et les plus sans exemple, pour M. de Monaco, son gendre, qui s’étoit raccommodé avec lui depuis la rupture, qui a été racontée, du mariage du fils du comte de Roucy avec sa fille, auquel Mme de Monaco et M. le Grand son père ne voulurent jamais consentir, et qui n’avoit pas en effet de quoi remplir par ses biens les vues que M. de Monaco s’étoit proposées. Il n’avoit que des filles, et il étoit hors d’espérance d’avoir d’autres enfants. Il étoit mal dans ses affaires, il cherchoit franchement à trafiquer sa dignité avec sa fille aînée. Il n’avoit point de crédit, la paresse italienne l’avoit retenir à Monaco depuis la mort de son père, il n’en sortit même plus, mais il espéra tout du crédit de M. le Grand, et il ne s’y trompa point. Les grandes barrières de la succession à la couronne étoient franchies ; après celles-là nulles antres ne pouvoient sembler considérables et les grâces en ce genre accordées à M. de La Rochefoucauld ne pouvoient pas être refusées à son rival perpétuel en faveur. Il falloit à M. de Monaco un homme de qualité qui voulût bien quitter à jamais, pour soi et pour sa postérité, son nom, ses armes, ses livrées, pour prendre en seul le nom, les armes et les livrées de Grimaldi. Il étoit nécessaire aussi qu’il fût assez riche pour donner quelque argent à M. de Monaco, se charger de la dot de ses deux filles cadettes, et payer outre cela un grand nombre de gros créanciers qui tourmentoient M. de Monaco. Ce n’étoit pas tout encore ; il falloit quelque fonds et un ample viager à l’abbé de Monaco son frère, lequel y tenoit ferme pour céder ses droits. Il falloit de plus que tout cela fût si net et si assuré que M. de Monaco fût libéré parfaitement, et à son aise et en repos pour tout le reste de sa vie.

Le défaut de moyens avoit rompu l’affaire du fils du comte de Roucy. Matignon, grâce aux trésors qu’il avoit tirés du ministère de Chamillart et à sa propre économie, avoit de quoi satisfaire à tant de grands besoins de M. de Monaco. Il