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qu’elle ne dit rien qui témoignât de la faiblesse, et même qu’elle ne pleura pas.

« Le sieur Pellisson[1], commis de M. Fouquet, et celui en qui il avoit le plus de confiance, fut aussi arrêté dans sa maison par des mousquetaires que le sieur d’Artagnan y avoit envoyés, et M. Boucherat, s’y étant transporté, se fit représenter ses papiers, qui furent enfermés dans une malle et portés à M. Le Tellier.

« Le sieur Pecquet, médecin de M. Fouquet, et Lavallée, son plus ancien valet de chambre, s’étant présentés pour le servir, furent enfermés avec lui sans aucune communication avec les gens du dehors.

« M. Fouquet, prisonnier, parut inquiet et abattu pendant les premiers jours de sa détention. Il mit toutes choses en usage pour gagner ses gardes et pour avoir des nouvelles ; mais tout cela fut inutile par les soins et l’application extraordinaire du sieur d’Artagnan, qui faisoit d’ailleurs à son prisonnier tous les bons traitements dont il se pouvoit aviser. Ce qui n’empêcha pas M. Fouquet de tomber dans une maladie qui le mit à l’extrémité.

« Le 22 novembre, M. d’Artagnan reçut ordre du roi d’envoyer quérir le sieur Pellisson, qui étoit prisonnier dans le château de Nantes, et de le faire conduire dans celui d’Angers par tel nombre de mousquetaires qu’il aviseroit. Ce qui fut exécuté par vingt mousquetaires commandés par le sieur de Saint-Mars, entre les mains duquel M. le maréchal de La Meilleraye remit le prisonnier, qui arriva au château d’Angers le 25 dudit mois de novembre.

« Le 1er décembre, par un nouvel ordre du roi, le sieur d’Artagnan conduisit les deux prisonniers au faubourg de Saumur, du côté du pont ; le second, il les conduisit à la Chapelle-Blanche ; le troisième, au faubourg de Tours, et le quatrième au château d’Amboise[2], où il mit M. Fouquet, son médecin et son valet de chambre à la garde du sieur Talois, enseigne des gardes du corps, suivant le commandement exprès de Sa Majesté, et partit, le sixième jour de décembre, d’Amboise pour mener le sieur Pellisson à la Bastille, où il le mit à la garde du sieur de Bessemaux, le 12 du même mois.

« Peu de temps après, le roi donna ordre aux sieurs de Talois et

  1. Paul Pellisson-Fontanier, ne 1624, mort en 1693 ; il a laissé plusieurs ouvrages, et entre autres des mémoires composes pour la défense de Fouquet.
  2. La Fontaine, qui a montré tant de dévouement à Fouquet, parle dans ses lettres à sa femme (édit. Lahure, t. II. p. 554) de son voyage au château d’Amboise où il visita la chambre qu’avait habitée Fouquet. « Je demandai, dit-il, à voir cette chambre ; triste plaisir, je vous le confesse ; mais enfin je le demandai. Le soldat qui nous conduisait n’avait pas la clef ; au défaut je fus longtemps à considérer la porte et me fis conter la manière dont le