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envoyé avec dix mousquetaires le jour précédent d’arrêter tous autres courriers que ceux de Sa Majesté.

« Ensuite le sieur d’Artagnan demanda à M. Fouquet les papiers qu’il avoit sur lui, et les ayant mis en un paquet cacheté, il chargea le sieur de Saint-Mars, maréchal des logis de la compagnie des mousquetaires, de les porter au roi avec un billet écrit de sa main, par lequel il faisoit savoir à Sa Majesté qu’aussitôt qu’il auroit fait prendre à M. Fouquet un bouillon qu’il avoit envoyé quérir à la bouche, et que le sieur Saint-Mars seroit de retour auprès de lui, il partiroit pour suivre ses ordres.

« En effet, dès que le sieur de Saint-Mars fut de retour et que M. Fouquet eut pris un bouillon, le sieur d’Artagnan le fit monter dans un des carrosses du roi, dans lequel entrèrent les sieurs de Bertaud, gouverneur de Briançon, de Maupertuis et Desclavaux, gentilshommes servants de Sa Majesté.

« La première couchée fut à Houdan, où le sieur d’Artagnan demanda de la part du roi à M. Fouquet un ordre de sa main au commandant de Belle-Isle de remettre la place entre les mains de celui que Sa Majesté y enverroit. Ce que M. Fouquet fit incontinent par un billet qui fut aussitôt porté au roi par le sieur de Maupertuis.

« Le mardi 6 septembre, le sieur d’Artagnan partit de Houdan et alla coucher à Ingrande, où le roi passa à deux heures après minuit.

« Le mercredi 7 septembre, M. Fouquet arriva au château d’Angers, et fut loger dans le château que le commandant avoit remis suivant l’ordre du roi, entre les mains du sieur d’Artagnan qui retint, pour le garder, soixante mousquetaires avec les sieurs Saint-Mars et de Saint-Léger, maréchaux des logis de la compagnie, et renvoya le reste au roi.

« Cependant M. Boucherat [1], qui, dès le moment que M. Fouquet avoit été arrêté, s’étoit transporté en la maison où étoit Mme Fouquet, l’a trouvée gardée par six mousquetaires. Il entra dans la chambre et lui fit entendre avec civilité l’ordre que le roi lui avoit donne de visiter les papiers de M. son mari. Elle demanda où il étoit et s’il ne lui seroit pas permis de l’accompagner. Mais M. Boucherat, qui n’avoit rien à lui répondre sur cela, ne songea qu’à exécuter sa commission. Il fit ouvrir les cassettes qui étoient dans sa chambre, dans lesquelles il ne rencontra aucuns papiers. Il entra ensuite dans le cabinet de M. Fouquet, d’où il fit transporter tout ce qu’il y trouva de papiers. On observa que, dans cette occasion, Mme Fouquet fit paroître beaucoup de courage, qu’elle ne fit rien d’indécent,

  1. Louis Boucherat, ne le 26 août 1616, chancelier de France en 1685, mort le 2 septembre 1699.