Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/5

Cette page n’a pas encore été corrigée
artifices de Pontchartrain. — Électeur de Bavière visite à Blois la reine de Pologne, sa belle-mère ; fait à Compiègne la noce de sa maîtresse avec le comte d’Albert ; prend congé du roi à Versailles en particulier, et s’en va dans ses États.


On a vu que la princesse des Ursins s’étoit enfin perdue avec le roi et Mme de Maintenon. Le roi ne lui avoit pu pardonner l’audace de sa souveraineté, l’obstacle que son opiniâtreté, voilée de celle qu’elle inspiroit au roi d’Espagne, avoit mis si longtemps à sa paix, malgré tout ce que le roi avoit pu faire, et qui ne vint à bout de faire abandonner cette folie, qu’aucun des alliés n’avoit voulu écouter, qu’en lui déclarant enfin qu’il l’abandonneroit à ses propres forces. Le roi avoit vivement senti la frayeur que le roi d’Espagne ne l’épousât, et ensuite l’autorité sans voile et sans bornes qu’elle avoit prise sur le roi d’Espagne, dans la solitaire captivité où elle le retenoit au palais de Medina-Celi. Enfin le roi se sentit piqué jusqu’au fond de l’âme du mariage de Parme, négocié et conclu sans lui en avoir donné la moindre participation. Roi partout, et dans sa famille plus que partout ailleurs, s’il étoit possible, il n’étoit pas accoutumé à voir marier ses enfants en étranger. Le choix en soi ne lui pouvoit plaire, et la manière y ajouta tout. Mme de Maintenon qui, comme on l’a vu, n’avoit jamais soutenu et porté Mme des Ursins au point d’autorité et de puissance où elle étoit parvenue que pour régner par elle en Espagne, ce qu’elle ne pouvoit espérer par les ministres, sentit vivement l’affranchissement de son joug, par l’indépendance entière dont elle gouverna depuis la mort de la reine, et l’abus qu’elle faisoit avec si peu de ménagement de toute la confiance du roi d’Espagne. Elle fut encore plus sensible que le roi à la frayeur de la voir reine d’Espagne, elle qui avoit manqué par deux fois sa déclaration de reine de France, si positivement promise. Enfin la souveraineté, qui la laissoit si loin derrière Mme des Ursins, l’avoit rendue son ennemie ; et le mariage de Parme, fait à l’entier insu du roi et