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II. LE GARDE DES SCEAUX CHAUVELIN.


Page 84.


Saint-Simon parle plusieurs fois, et notamment p. 84 de ce volume, de Chauvelin, qui devint garde des sceaux et joua un grand rôle sous Louis XIV. J’ai réuni dans cette note quelques renseignements sur ce personnage.

Germain-Louis Chauvelin, né le 26 mars 1685 conseiller au grand conseil le Ier décembre 1706, maître des requêtes le 31 mai 1711, avocat général au parlement de Paris en 1715, président à mortier le 5 décembre 1718, garde des sceaux de France le 17 août 1727, puis ministre et secrétaire d’État des affaires étrangères, fut disgracié le 20 février 1737, et exilé à Bourges. Il étoit seigneur de Grisenoy ou Grisenois en Brie. Il est probable que ce nom se prononçoit alors Grisenoire, car Saint-Simon (p. 85) et l’auteur que nous allons citer appellent tous deux Chauvelin Grisenoire.

Le marquis d’Argenson, qui avoit connu le garde des sceaux Chauvelin, en a tracé le portrait suivant dans ses Mémoires autographes et inédits :

« Novembre 1730. — Pour définir le garde des sceaux Chauvelin, vous saurez qu’il n’y a jamais eu au monde plus habile homme pour ses propres affaires, pour les travailler en grand, pour faire une grande et belle fortune, pour y aller par des moyens plus sûrs ; mais il est en toutes choses le centre de son cercle, sa fin dernière, l’objet final de toutes ses méditations. S’il lui restoit un peu de volonté pour ses charges, cela irait ; mais jamais cela ne sera. Il faut que son esprit soit fort juste, mais peu élevé, vu la fin à laquelle il s’est borné pour faire usage de tant de moyens. Il me prend envie de parler plus à fond de lui et de sa fortune.

« Il haïssait beaucoup son frère aîné, qui avoit un mérite si brillant qu’on en étoit ébloui [1]. Partie de cette haine, partie d’une saine politique, il embrassa le parti contraire aux jésuites [2], pour se trouver sur ses pieds si malheur arrivoit aux intrigues de son frère. Ce frère mourut ; notre cadet se rendit grand travailleur, quitta les belles-lettres, les bons airs, les chevaux ; car il prétendoit à bonnes fortunes et dansoit bien ; il étoit le beau Grisenoire. Il est vrai que ses

  1. Voy. ci-dessus, t. XI, p. 18.
  2. Saint-Simon dit, en effet, que le frère aîné était favorable aux jésuites.