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Ils étoient sans cesse à portée de rendre de bons et de mauvais offices ; aussi faisoient-ils souvenir de ces puissants affranchis des empereurs romains, à qui le sénat et les grands de l’empire faisoient leur cour, et ployoient sous eux avec bassesse. Ceux-ci, dans tout ce règne, ne furent ni moins comptés ni moins courtisés. Les ministres même les plus puissants les ménageoient ouvertement ; et les princes du sang, jusqu’aux bâtards, sans parler de tout ce qui est inférieur, en usaient de même. Les charges des premiers gentilshommes de la chambre furent plus qu’obscurcies par les premiers valets de chambre, et les grandes charges ne se soutinrent que dans la mesure que les valets de leur dépendance ou les petits officiers très subalternes approchoient nécessairement plus ou moins du roi. L’insolence aussi étoit grande dans la plupart d’eux, et telle qu’il falloit savoir l’éviter, ou la supporter avec patience.

Le roi les soutenoit tous, et il racontoit quelquefois avec complaisance qu’ayant dans sa jeunesse envoyé, pour je ne sais quoi, une lettre au duc de Montbazon, gouverneur de Paris, qui étoit en une de ses maisons de campagne près de cette ville, par un de ses valets de pied, il y arriva comme M. de Montbazon alloit se mettre à table, qu’il avoit forcé ce valet de pied de s’y mettre avec lui, et le conduisit, lorsqu’il le renvoya, jusque dans la cour, parce qu’il étoit venu de la part du roi [1].

Il ne manquoit guère aussi de demander à ses gentilshommes ordinaires, quand ils revenoient de sa part de faire des compliments de conjouissance ou de condoléances aux gens titrés, hommes et femmes, mais à nuls autres, comment ils avoient été reçus ; et il auroit trouvé bien mauvais qu’on ne les eût pas fait asseoir, et conduits fort loin, les hommes au carrosse.

Rien n’étoit pareil à lui aux revues, aux fêtes, et partout

  1. Cette anecdote se trouve déjà plus haut.