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courtisans, n’en avoient qu’à mesure qu’il en vaquoit. Les plus distingués de la cour par eux-mêmes ou par la faveur les demandoient au roi, et c’étoit une grâce que d’en obtenir. Le secrétaire d’État ayant la maison du roi en son département en expédioit un brevet, et nul d’eux n’étoit à portée d’en avoir. Ils furent imaginés pour ceux, en très petit nombre, qui avoient la liberté de suivre le roi aux promenades de Saint-Germain à Versailles sans être nommés, et depuis que cela cessa, ces habits ont cessé aussi de donner aucun privilège, excepté celui d’être portés quoiqu’on fût en deuil de cour ou de famille, pourvu que le deuil ne fût pas grand ou qu’il fût sur ses fins, et dans les temps encore où il étoit défendu de porter de l’or et de l’argent. Je ne l’ai jamais vu porter au roi, à Monseigneur ni à Monsieur, mais très souvent aux trois fils de Monseigneur et à tous les autres princes ; et jusqu’à la mort du roi, dès qu’il en vaquoit un, c’étoit à qui l’auroit entre les gens de la cour les plus considérables, et si un jeune seigneur l’obtenoit c’étoit une grande distinction. Les différentes adresses de cette nature qui se succédèrent les unes aux autres, à mesure que le roi avança en âge, et que les fêtes changeoient ou diminuoient, et les attentions qu’il marquoit pour avoir toujours une cour nombreuse, on ne finiroit point à les expliquer.

Non seulement il étoit sensible à la présence continuelle de ce qu’il y avoit de distingué, mais il l’étoit aussi aux étages inférieurs. Il regardoit à droite et à gauche à son lever, à son coucher, à ses repas, en passant dans les appartements, dans ses jardins de Versailles, où seulement les courtisans avoient la liberté de le suivre ; il voyoit et remarquoit tout le monde, aucun ne lui échappoit, jusqu’à ceux qui n’espéroient pas même être vus. Il distinguoit très bien en lui-même les absences de ceux qui étoient toujours à la cour, celles des passagers qui y venoient plus ou moins souvent ; les causes générales ou particulières de ces absences,