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sa suite encore plus, d’y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers et dans un moulin à vent, excédés de ses longues chasses dans la forêt de Saint-Léger et plus loin encore, loin alors de ces temps réservés à son fils où les routes, la vitesse des chiens et le nombre gagé des piqueurs et des chasseurs à cheval a rendu les chasses si aisées et si courtes. Ce monarque ne couchoit jamais ou bien rarement à Versailles qu’une nuit, et par nécessité ; le roi son fils pour être plus en particulier avec sa maîtresse, plaisirs inconnus au juste, au héros, digne fils de saint Louis, qui bâtit ce petit Versailles.

Les petites parties de Louis XIV y firent naître peu à peu ces bâtiments immenses qu’il y a faits ; et leur commodité pour une nombreuse cour, si différente des logements de Saint-Germain, y transporta tout à fait sa demeure peu de temps avant la mort de la reine. Il y fit des logements infinis, qu’on lui faisoit sa cour de lui demander, au lieu qu’à Saint-Germain, presque tout le monde avoit l’incommodité d’être à la ville, et le peu qui étoit logé au château y étoit étrangement à l’étroit.

Les fêtes fréquentes, les promenades particulières à Versailles, les voyages furent des moyens que le roi saisit pour distinguer et pour mortifier en nommant les personnes qui à chaque fois en devoient être, et pour tenir chacun assidu et attentif à lui plaire. Il sentoit qu’il n’avoit pas à beaucoup près assez de grâces à répandre pour faire un effet continuel. Il en substitua donc aux véritables d’idéales, par la jalousie, les petites préférences qui se trouvoient tous les jours, et pour ainsi dire, à tous moments, par son art. Les espérances que ces petites préférences et ces distinctions faisoient naître, et la considération qui s’en tiroit, personne ne fut plus ingénieux que lui à inventer sans cesse ces sortes de choses. Marly, dans la suite, lui fut en cela d’un plus grand usage, et Trianon où tout le monde, à la vérité, pouvoit lui aller faire sa cour, mais où les dames avoient l’honneur de manger