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qu’on lui laissa attendre plusieurs jours. M. le duc d’Orléans, raccommodé avec le roi d’Espagne, sentit qu’il étoit solidement de son intérêt, encore plus que d’une foible vengeance, de montrer par quelque éclat que ce n’étoit qu’à la haine et à l’artifice de la princesse des Ursins qu’il devoit celui de son affaire d’Espagne, qui avoit été si près de lui [faire] porter la tête sur l’échafaud. Mme de Maintenon avec M. du Maine, et tous leurs puissants ressorts, soutenus de l’intérêt de la cabale de Meudon, étoient ceux qui avoient poussé à l’extrémité cette affaire, que Mme des Ursins leur avoit présentée. Mais les temps étoient changés, Monseigneur étoit mort, et la cabale de Meudon anéantie. Mme de Maintenon avoit tourné le dos à Mme des Ursins ; ainsi M. le duc d’Orléans, libre à l’égard de cette dernière ennemie, ne crut pas la devoir ménager. Il y fut poussé par Mme la duchesse d’Orléans, et plus encore par Madame, tellement qu’il pria le roi de défendre à la princesse des Ursins de se trouver en pas un lieu, même dans Versailles, où Mme la duchesse de Berry, Madame, M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans se pourroient rencontrer, lesquels firent en même temps une défense étroite à toutes leurs maisons de la voir, et demandèrent la même chose aux personnes qui leur étoient particulièrement attachées. Cet éclat fit un grand bruit, montra à découvert l’abandon de Mme de Maintenon, l’inconsidération du roi, et devint un grand embarras pour la princesse des Ursins.

Je n’avois pu trouver que M. le duc d’Orléans eût tort dans cette conduite, qui faisoit retomber à plomb sur les artifices tout ce qu’on avoit voulu lui imputer, et qui se trouvoit très heureusement placée au moment de la liberté rendue à Flotte et à Renaut, et de sa réconciliation avec le roi d’Espagne. Mais je lui représentai qu’ayant toujours été ami particulier de Mme des Ursins, laissant à part sa conduite envers lui, et ne mettant point de proportion dans mon attachement pour lui avec mon amitié pour elle, je