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personnel du roi, autant que la distance le pouvoit permettre, de l’insolence duquel, en Espagne et en Italie, le roi n’avoit pas dédaigné autrefois de se montrer très offensé, et jusqu’à l’en faire sortir, l’ami confident du roi Guillaume, le plus ardent et le plus personnel de tous les ennemis que le roi s’étoit faits, et gouverneur du Milanois par ce même roi Guillaume et par la plus pressante sollicitation de l’empereur Léopold auprès du roi d’Espagne Charles II, enfin père d’un fils unique, qui se trouva, dès la première hostilité en Italie, la seconde personne de l’armée de l’empereur, et qui y est mort.

Il n’y avoit celui qui ne vit clairement qu’il étoit averti de tout par son père. La trahison dura même après que ce fils fut mort, et tant qu’elle fut utile à Vaudemont, même avec grossièreté. Jamais le roi, son ministre, ni Villeroy, son général, n’en soupçonnèrent la moindre chose ; jamais la faveur, la confiance, les préférences pour Vaudemont ne diminuèrent ; jamais personne assez hardi pour oser ouvrir les yeux là-dessus au roi, ni à son ministre. Catinat, trahi par Vaudemont et par M. de Savoie, y flétrit ses lauriers, et le maréchal de Villeroy, envoyé en héros pour réparer ses fautes, tomba lourdement dans leurs filets. Le duc de Vendôme, arrivé comme le réparateur, n’épargna pas M. de Savoie, mais il avoit de trop fortes raisons de ne toucher pas à Vaudemont ; volonté ou duperie, peut-être tous les deux, de franc dessein de ne rien apercevoir.

La faiblesse du roi pour plaire à Chamillart sur La Feuillade, son gendre, duquel il avoit été si éloigné, et dont il avoit voulu empêcher le mariage, le fit tout d’un coup général d’armée, et lui confia le siège de Turin, c’est-à-dire la plus importante affaire de l’État. Tallard, si fait pour la cour, et si peu pour tout ce qui passe la petite intrigue, fut défait à Hochstedt, sans presque aucune perte que de ceux qui voulurent bien se rendre. Du fond de l’empire une armée entière, et les trois quarts de l’autre fut rechassée au deçà du