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le milieu de l’Allemagne, et demeurant sur la défensive en Flandre, où les Hollandois, contents de leurs succès d’Angleterre, n’auroient pas songé à faire des progrès parmi tant de places.

Mais ce ne fut pas tout. Louvois voulut être exact à sa parole : la guerre qu’il venoit d’allumer ne lui suffit pas : il la veut contre toute l’Europe. L’Espagne inséparable de l’empereur, et même des Hollandois, à cause de la Flandre espagnole, s’étoit déclarée : ce fut un prétexte pour des projets sur la Lombardie, et ces projets en servirent d’un autre pour faire déclarer le duc de Savoie. Ce prince ne désiroit que la neutralité, et comme le plus foible, de laisser passer à petites troupes limitées, avec ordre et mesure, ce qu’on auroit voulu par son pays en payant. Cela étoit bien difficile à refuser ; aussi Catinat, déjà sur la frontière avec les troupes destinées à ce passage, eut-il ordre d’entrer en négociation. Mais, à mesure qu’elle avançoit, Louvois demandoit davantage et envoyoit d’un courrier à l’autre des ordres si contradictoires que M. de Savoie ni Catinat même n’y comprenoient rien. M. de Savoie prit le parti d’écrire au roi pour lui demander ses volontés à lui-même et s’y conformer.

Ce n’étoit pas le compte de Louvois qui vouloit forcer ce prince à la guerre. Il osa supprimer la lettre au roi, et faire à son insu des demandes si exorbitantes, que les accorder et livrer tous ses États à la discrétion de la France étoit la même chose. Le duc de Savoie se récria, et offensé déjà du mépris de ne recevoir point de réponse du roi, à lui directe, il se plaignit fort haut. Louvois en prit occasion de le traiter avec insolence, de le forcer par mille affronts à plus que de simples plaintes, et là-dessus fit agir Catinat hostilement, qui ne pouvoit comprendre le procédé du ministre, qui, sans guerre avec la Savoie, obtenoit au delà de ce qu’il se pouvoit proposer.

Pendant cette étrange manière de négocier, l’empereur, le prince d’Orange et les Hollandois qui regardoient avec raison