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deux coups à la fois pour ses vues personnelles : il s’assura par cette expresse négligence d’une longue et forte guerre avec la Hollande et l’Angleterre, où il étoit bien assuré que la haine invétérée du roi pour la personne du prince d’Orange ne souffriroit jamais sa grandeur et son établissement sur les ruines de la religion catholique et de Jacques II son ami personnel, tant qu’il pourroit espérer de renverser l’un et de rétablir l’autre ; et en même temps il profitoit de la mort de l’électeur de Cologne, qui ouvroit la dispute de l’élection en sa place, entre le prince Clément de Bavière son neveu et le cardinal de Furstemberg son coadjuteur, portés ouvertement chacun par l’empereur et par la France, et sous ce prétexte persuade au roi d’attaquer l’empereur et l’Empire par le siège de Philippsbourg, etc. ; et pour rendre cette guerre plus animée et plus durable, fait brûler Worms, Spire, et tout le Palatinat jusqu’aux portes de Mayence dont il fait emparer les troupes du roi. Après ce subit début, et certain par là de la plus vive guerre avec l’empereur, l’empire, l’Angleterre et la Hollande, l’intérêt particulier de la faire durer lui fit changer le plan de son théâtre.

Pousser sa pointe en Allemagne dénuée de places et pleine de princes dont les médiocres États dépourvus n’auroient pu la soutenir, le menaçoit de ce côté d’une paix trop prompte, malgré la fureur qu’il y avoit allumée par ses cruels incendies. La Flandre, au contraire, étoit hérissée de places, où, après une déclaration de guerre, il n’étoit pas aisé de pénétrer. Ce fut donc de la Flandre dont il persuada au roi de faire le vrai théâtre de la guerre, et rien en Allemagne qu’une guerre d’observation et de subsistance. Il le flatta de conquérir des places en personne, et de châtier une autre fois les Hollandois qui venoient de mettre le prince d’Orange sur le trône du roi Jacques, réfugié en France avec sa famille, et engagea ainsi une guerre à ne point finir ; tandis qu’elle eût été courte au moins avec l’empereur et l’empire, en portant brusquement la guerre dans