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que Dieu lui avoit donné, au moins l’émoussèrent presque entièrement, et empêchèrent sans cesse qu’il fît aucun usage de ces vertus, dont son royaume et lui-même furent les victimes.

De ces sources étrangères et pestilentielles lui vint cet orgueil [tel] que ce n’est point trop de dire que, sans la crainte du diable que Dieu lui laissa jusque dans ses plus grands désordres, il se seroit fait adorer et auroit trouvé des adorateurs ; témoin entre autres ces monuments si outrés, pour en parler même sobrement : sa statue de la place des Victoires, et sa païenne dédicace où j’étois, où il prit un plaisir si exquis ; et de cet orgueil[1] tout le reste qui le perdit, dont on vient de voir tant d’effets funestes, et dont d’autres plus funestes encore se vont retrouver.




CHAPITRE XVII.


Jalousie et ambition de Louvois font toutes les guerres et la ruine du royaume, et [ainsi que] la haine implacable du roi pour le prince d’Orange. — Terrible conduite de Louvois pour embarquer la guerre générale de 1688. — Catastrophe de Louvois par deux belles actions après beaucoup d’étranges. — Grande action de Chamlay ; son état ; son caractère. — Mort et disgrâce de Louvois, et de son médecin cinq mois après celle de Louvois.


Ce même orgueil, que Louvois sut si bien manier, épuisa le royaume par des guerres et par des fortifications innombrables. La guerre des Pays-Bas, à l’occasion de la mort de

  1. Cette phrase, que les précédents éditeurs ont corrigée, s’entend facilement en ajoutant le verbe [ vint ] qui se trouve plus haut : Et de cet orgueil [ vint ] tout le reste, etc.