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splendeur du feu cardinal Mazarin, son oncle, et plus encore par son esprit et son adresse, en étoit devenue le centre, mais fort choisi. C’étoit où se rendoit tous les jours ce qu’il y avoit de plus distingué en hommes et en femmes, qui rendoit cette maison le centre de la galanterie de la cour, et des intrigues et des menées de l’ambition, parmi lesquelles la parenté influoit beaucoup, autant comptée, prisée et respectée lors qu’elle est maintenant oubliée. Ce fut dans cet important et brillant tourbillon où le roi se jeta d’abord, et où il prit cet air de politesse et de galanterie qu’il a toujours su conserver toute sa vie, qu’il a si bien su allier avec la décence et la majesté. On peut dire qu’il étoit fait pour elle, et qu’au milieu de tous les autres hommes, sa taille, son port, les grâces, la beauté, et la grande mine qui succéda à la beauté, jusqu’au son de sa voix et à l’adresse et la grâce naturelle et majestueuse de toute sa personne, le faisoient distinguer jusqu’à sa mort comme le roi des abeilles, et que, s’il ne fût né que particulier, il auroit eu également le talent des fêtes, des plaisirs, de la galanterie, et de faire les plus grands désordres d’amour. Heureux s’il n’eût eu que des maîtresses semblables à Mme de La Vallière, arrachée à elle-même par ses propres yeux, honteuse de l’être, encore plus des fruits de son amour reconnus et élevés malgré elle, modeste, désintéressée, douce, bonne au dernier point, combattant sans cesse contre elle-même, victorieuse enfin de son désordre par les plus cruels effets de l’amour et de la jalousie, qui furent tout à la fois son tourment et sa ressource, qu’elle sut embrasser assez au milieu de ses douleurs pour s’arracher enfin, et se consacrer à la plus dure et la plus sainte pénitence ! Il faut donc avouer que le roi fut plus à plaindre que blâmable de se livrer à l’amour, et qu’il mérite louange d’avoir su s’en arracher par intervalles en faveur de la gloire.

Les intrigues et les aventures que, tout roi qu’il étoit, il essuya dans ce tourbillon de la comtesse de Soissons, lui