Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/382

Cette page n’a pas encore été corrigée

toujours été exclus. Il n’y avoit point eu de messe la veille, et on ne comptoit plus qu’il y en eût. Le duc de Charost, capitaine des gardes, qui s’étoit aussi glissé dans la chambre, le trouva mauvais avec raison, et fit demander au roi par un des valets familiers, s’il ne seroit pas bien aise de l’entendre. Le roi dit qu’il le désiroit ; sur quoi on alla quérir les gens et les choses nécessaires, et on continua les jours suivants. Le matin de ce jeudi, il parut plus de force, et quelque rayon de mieux qui fut incontinent grossi, et dont le bruit courut de tous côtés. Le roi mangea même deux petits biscuits dans un peu de vin d’Alicante avec une sorte d’appétit. J’allai ce jour-là sur les deux heures après midi chez M. le duc d’Orléans, dans les appartements duquel la foule étoit au point depuis huit jours, et à toute heure, qu’exactement parlant, une épingle n’y seroit pas tombée à terre. Je n’y trouvai qui que ce soit. Dès qu’il me vit, il se mit à rire et à me dire que j’étois le premier homme qu’il eût encore vu chez lui de la journée, qui, jusqu’au soir fut entièrement déserte chez lui. Voilà le monde.

Je pris ce temps de loisir pour lui parler de bien des choses. Ce fut où je reconnus qu’il n’étoit plus le même pour la convocation des états généraux, et qu’excepté ce que nous avions arrêté sur les conseils, qui a été expliqué ici en son temps, il n’y avoit pas pensé depuis, ni à bien d’autres choses, dont je pris la liberté de lui dire fortement mon avis. Je le trouvai toujours dans la même résolution de chasser Desmarets et Pontchartrain, mais d’une mollesse sur le chancelier qui m’engagea à le presser et à le forcer de s’expliquer. Enfin il m’avoua avec une honte extrême que Mme la duchesse d’Orléans, que le maréchal de Villeroy étoit allé trouver en secret même de lui, l’avoit pressé de le voir et de s’accommoder avec lui sur des choses fort principales auxquelles il vouloit bien se prêter sous un grand secret, et qui l’embarrasseroient périlleusement s’il refusoit d’y entrer, s’excusant de s’en expliquer davantage