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chrétienne, laissèrent échapper leur impatience en me regardant ; la maréchale me regarda aussi, sourit avec eux, laissa échapper quelques mines, et se levant tout de suite, se mit à rire tout à fait, et, m’adressant la parole, me dit qu’il valoit mieux s’en aller. Le bon cardinal me parla après avec effusion de cœur. Chauvelin nous manda fort tard que le mal augmentoit ; et le lendemain matin, comme j’étois chez moi avec du monde, on me fit sortir pour un message de Chauvelin, qui me mandoit que M. de Bournonville venoit de mourir.

J’envoyai dire aussitôt à Mme de Saint-Simon, qui étoit à la messe aux Jacobins, tout proche du logis, que je la priois de revenir ; elle ne tarda pas, et me trouva avec la même compagnie, devant qui je lui dis le fait tout bas. Il étoit convenu que, dès que cela arriveroit, nous ferions sur-le-champ la demande au cardinal, qui se chargeroit de tout. Mme de Saint-Simon y alla. C’étoit la veille de l’Annonciation, qu’il étoit à table pour aller officier aux premières vêpres à Notre-Dame. Il sortit de table et vint au-devant d’elle les bras ouverts, dans une joie qu’il ne cacha point ; et, sans lui donner le temps de parler, devant tous ses gens : « Vite, dit-il, les chevaux à mon carrosse ! » puis à elle : « Je vois bien ce qui vous amène ; Dieu en a disposé, nous sommes libres ; je m’en vais chez la maréchale de Grammont, et vous aurez bientôt de mes nouvelles. » Il la mena dans sa chambre un moment. Comme il l’accompagnoit, ses gens lui parlèrent de vêpres. « Mon carrosse, répondit-il, vêpres pour aujourd’hui attendront, dépêchons. » Mme de Saint-Simon revint, et nous nous mîmes à table.

Comme à peine nous en sortions, nous entendîmes un carrosse dans la cour : c’étoit le cardinal de Noailles. Je descendis au-devant de lui ; il m’embrassa à plusieurs reprises, et tout aussitôt devant tout le domestique se prit à me dire : « Où est mon neveu ? car je veux voir mon neveu,