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de cinquante ans de cardinalat. Disons encore un mot d’Italie. Le duc de Savoie, nouveau roi de Sicile, étoit allé, comme on l’a dit, en prendre possession, s’y faire couronner, connoître le pays et les gens, et en tirer tout ce qui lui fut possible. Il avoit mené la reine sa femme, qui y fut aussi couronnée, et laissé à Turin un conseil bien choisi, de peu de personnes, pour gouverner en son absence. Il avoit offert la régence à la duchesse sa mère, qui le pria de l’en dispenser. Jamais il ne lui avoit pardonné de l’avoir voulu faire roi de Portugal, en épousant l’infante, sa cousine germaine, et y allant demeurer. Il lui pardonnoit aussi peu d’être toute française, et adorée dans tous ses États et dans sa cour. Sa jalousie avoit été fort poussée, ainsi que les dégoûts qu’il lui avoit donnés. Il n’y avoit entre eux qu’une sèche bienséance. Ces raisons firent que la régence fut froidement offerte et sagement refusée. L’épouse, aussi française que la mère, n’étoit pas plus heureuse. La belle-mère et la belle-fille vécurent toute leur vie dans la plus intime amitié et dans la confiance la plus parfaite. C’est ce qui obligea le roi de Sicile à la mener avec lui, pour qu’elle ne fût pas régente, et Madame Royale par elle. Il déclara régent le prince de Piémont, son fils aîné, qui étoit grand et bien fait pour son âge, et qui d’ailleurs promettoit toutes choses. Il chargea le conseil qu’il laissa de l’instruire et de lui rendre compte de tout pour le former aux affaires, et d’essayer quelquefois avec opiniâtreté à le laisser faire en certaines choses pour voir comment il s’y prendroit.

Le jeune prince s’appliqua et devint capable jusqu’à étonner le conseil ; et par la facilité de son accès, la sagesse et la justesse de ses réponses, sa modestie, sa politesse, son désir de plaire et d’obliger, le déplaisir qu’il montroit quand il étoit obligé de refuser, et l’adoucissement qu’il y savoit mettre, lui acquirent tous les coeurs. C’en étoit trop pour un