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par le nombre. Le tout ensemble s’appela la noblesse, et cette noblesse pénétroit partout par ses cris contre les ducs. Ceux-ci, qui à l’exception de ceux qui s’étoient trouvés dans ma chambre n’avoient pas ouï dire un mot de cette salutation du roi, n’entendirent que lentement et à peine de quoi il s’agissoit, qui, partie de timidité de cet ouragan subit, partie de pique de n’avoir point été consultés, se mirent aussi à déclamer contre leurs confrères. Mais ces confrères qu’on ne nommoit point, et contre qui l’animosité devenoit si furieuse et si générale, ne demeurèrent pas longtemps en nom collectif. Saint-Herem le premier, plusieurs autres après, vinrent avertir Mme de Saint-Simon que tout tomboit uniquement sur moi, comme sur le seul inventeur et auteur du projet de cette salutation, dont l’autorité naissante avoit entraîné un petit nombre de ducs malgré eux, à l’insu des autres. Ces messieurs ajoutèrent à Mme de Saint-Simon que je n’étois pas en sûreté dans une émotion si générale et si furieuse, et qu’elle feroit sagement d’y prendre garde. Sa surprise fut d’autant plus grande qu’elle n’ignoroit rien de tout ce qui s’étoit passé là-dessus entre Noailles et moi. Mais elle monta au comble lorsqu’elle apprit du même Saint-Herem, et de plus de dix autres encore et pour l’avoir ouï de leurs oreilles, que c’étoit Noailles qui souffloit ce feu, qui me donnoit pour l’auteur et le promoteur unique pour cette salutation, et soi-même pour celui qui s’y étoit opposé de toutes ses forces. Ce dernier avis fut donné et confirmé à la duchesse de Saint-Simon vers le soir de la surveille de la mort du roi, laquelle se fit bien expliquer et répéter qu’ils l’avoient eux-mêmes entendu de la bouche de Noailles, qui alloit le semant partout lui-même, et par Coetquen et d’autres émissaires.

Le hasard fit que le lendemain matin elle rencontra le duc de Noailles dans la galerie, qui étoit lors remplie à toute heure de toute la cour, où il passoit avec le chevalier depuis duc de Sully. Elle l’arrêta et le tira dans l’embrasure