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d’utiles et de salutaires réflexions, et je finis tout à fait hors de voix par protester de tous les inconvénients infinis et très suivis que j’y voyois et que je déplorois par avance.

J’avois représenté au duc de Noailles dès les premières fois qu’il m’avoit fait cette proposition tête à tète, outre les raisons qu’on vient de voir, qu’il falloit toujours considérer un but principal que rien ne devoit faire perdre de vue, et n’y pas mettre des obstacles si aisés à éviter ; que ce but étoit de tirer la noblesse en général de l’abaissement et du néant où la robe et la plume l’avoient réduite, et pour cela la mettre dans toutes les places du gouvernement qu’elle pouvoit occuper par son état, au lieu des gens de robe et de plume qui les tenoient, et peu à peu l’en rendre capable, et lui donner de l’émulation ; d’étendre ses emplois, et de la relever de la sorte dans son être naturel ; que pour cela il falloit être unis, s’entendre, s’aider, fraterniser, et ne pas jeter de l’huile sur un feu que M. et Mme du Maine excitoient sans cesse, car dès lors il paraissoit, parce qu’ils comprenoient que leur salut consistoit à brouiller tous les ordres entre eux, surtout celui de la noblesse avec elle-même ; comme le salut de la noblesse consistoit en son union entre elle, à laquelle on ne devoit cesser de travailler ; que rien n’étoit si ignorant, si glorieux, si propre à tomber dans toutes sortes de panneaux et de pièges que cette noblesse, que par noblesse j’entendois ducs et non-ducs ; que les ducs ne devoient songer qu’à découvrir à ceux qui n’étoient pas ducs ces panneaux et ces pièges ; que pour le faire utilement, il en falloit être aimés, et puisqu’en effet il s’agissoit d’un intérêt commun, dans un moment de crise dont on pouvoit profiter pour la remettre en lustre, et qui, manqué une fois, ne reviendroit plus, il ne falloit pas tenter leur ignorance, leur vanité, leur sottise par une nouveauté qui, à la vérité, ne leur nuisoit en rien, puisqu’en aucune occasion la noblesse non titrée ne pouvoit être et n’avoit jamais été en égalité avec la noblesse titrée, moins encore la précéder,