Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée

lorsqu’ils iraient au parlement pour la régence, et qu’on se référoit des uns aux autres ce qui se passoit en ces petites assemblées. Sur les six ou sept heures du soir, le duc de Noailles vint dans ma chambre, où Mailly, archevêque de Reims, les ducs de Sully, La Force, Charost, je ne sais plus qui encore, et le duc d’Humières, quoiqu’il ne fût pas pair, traitions cette matière depuis peu de moments qu’ils étoient arrivés. On continua avec le duc de Noailles, qui ne dit pas grand’chose, et qui presque incontinent interrompit l’affaire du bonnet, et proposa la salutation du roi futur comme il me l’avoit expliquée. J’en fus d’autant plus surpris qu’après m’en avoir importuné sans cesse, il y avoit plus de quinze jours qu’il ne m’en parloit plus, et que je le croyois rendu à mes raisons, puisqu’il avoit cessé d’insister et de m’en parler. Je lui en témoignai mon étonnement et combien j’étois éloigné de goûter une nouveauté de cette nature.

Il faut remarquer que les mouvements de la noblesse dont j’ai parlé éclatoient fortement alors depuis quelques jours, et faisoient la nouvelle et un sujet principal de toutes les conversations. M. de Noailles insista, m’interrompit, prit le ton d’orateur, l’air d’autorité, se dit appuyé de l’avis des ducs qui s’étoient vos chez le maréchal d’Harcourt, et, à force de poumons beaucoup plus forts que les miens, mena la parole, et toujours étouffant la mienne. De colère et d’impatience je montai sur le gradin de mes fenêtres et m’assis sur l’armoire, disant que c’étoit pour être mieux entendu, et que je voulois aussi parler à mon tour. Je m’exprimai avec tant de feu, que ces messieurs firent taire Noailles qui toujours vouloit continuer, qui m’interrompit d’abord une ou deux fois, et à qui j’imposai à la fin, en lui déclarant que je voulois être entendu, et que nous n’étions pas là pour être devant lui à plaît-il maître. Ces messieurs voulurent m’écouter et l’obligèrent à me laisser parler.