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ni que l’ignorance et la sottise ne fût aussi profonde et aussi vastement répandue parmi les gens sans titre que parmi les ducs, s’appliquèrent à en profiter et à saisir l’occasion de l’éclat de la fin de l’affaire du bonnet, pour encourager les gens non titrés contre les ducs, et brouiller ceux-ci avec le même éclat, qui avoit si bien réussi à l’égard du parlement. Le duc du Maine suppléoit aux vertus par les talents les plus noirs et les plus ténébreux ; il en avoit fait de continuelles épreuves. On a vu jusqu’à quel point il s’y étoit surpassé pendant la campagne de Lille. Eh ! plût à Dieu qu’il s’y fût borné ! Après ces coups de maître, son art pouvoit-il trouver quelque chose de difficile ? Il le mit en œuvre par le même soin et les mêmes émissaires qui l’y avoient si bien servi, et qui, de nouveau, se surpassèrent ainsi que lui-même et la duchesse du Maine.

D’abord on se contenta de sonder, de jeter des propos, de cultiver, après de rassembler, mais dans les ténèbres. Il falloit d’abord infatuer un nombre de sots glorieux et ignorants, pour s’en servir à en recruter d’autres, attirer des personnes de cette espèce de naissance distinguée, piquer ceux du commun de la vanité de penser comme celles-là, et de l’honneur de s’unir à elles par un intérêt dont la communauté les égaloit à eux, faire en même temps que les gens de qualité souffrissent, puis se prêtassent à ce difforme assemblage, par leur faire sentir la nécessité du nombre pour réussir par le fracas et en les flattant après le succès d’une séparation d’alliage qui ne se pourroit, disoit-on, refuser après le besoin passé, et par ces ruses, faire un groupe où toutes sortes de gens pussent entrer, se donner le beau nom collectif de noblesse, et, par un très grand nombre si bien dupé et masqué, causer un si grand bruit, que les ducs ne pussent penser qu’à la défense, bien loin de pouvoir attaquer les bâtards réunis par la première et la seconde adresse à la robe et à la soi-disant noblesse contre eux, et en état avec cette double multitude de faire la loi