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jamais eu de sciatique ni de rhumatisme ; jamais enrhumé, et il y avoit longtemps qu’il n’avoit eu de ressentiment de goutte. Il y eut le soir petite musique chez Mme de Maintenon, et ce fut la dernière fois de sa vie qu’il marcha.

Le mardi 13 août, il fit son dernier effort pour donner, en revenant de la messe, où il [se] fit porter, l’audience de congé, debout et sans appui, à ce prétendu ambassadeur de Perse. Sa santé ne lui permit pas les magnificences qu’il s’étoit proposées comme à sa première audience ; il se contenta de le recevoir dans la pièce du trône, et il n’y eut rien de remarquable. Ce fut la dernière action publique du roi, où Pontchartrain trompoit si grossièrement sa vanité pour lui faire sa cour. Il n’eut pas honte de terminer cette comédie par la signature d’un traité dont les suites montrèrent le faux de cette ambassade. Cette audience, qui fut assez longue, fatigua fort le roi. Il résista en rentrant chez lui à l’envie de se coucher ; il tint le conseil de finance, dîna à son petit couvert ordinaire, se fit porter chez Mme de Maintenon, où il y eut petite musique, et, en sortant de son cabinet, s’arrêta pour la duchesse de La Rochefoucauld qui lui présenta la duchesse de La Rocheguyon sa belle-fille, qui fut la dernière dame qui lui ait été présentée. Elle prit le soir son tabouret au souper du roi qui fut le dernier de sa vie au grand couvert. Il avoit travaillé seul chez lui après son dîner avec le chancelier. Il envoya le lendemain force présents et quelques pierreries à ce bel ambassadeur qu’on mena deux jours après chez un bourgeois à Chaillot, et à peu de distance, au Havre-de-Grâce, où il s’embarqua. Ce fut ce même jour que la princesse des Ursins, effrayée, comme on l’a dit, de l’état du roi, partit de Paris pour gagner Lyon en diligence, le lendemain mercredi, veille de l’Assomption.

Il y avoit plus d’un an que la santé du roi tomboit. Ses valets intérieurs s’en aperçurent d’abord, et en remarquèrent tous les progrès, sans que pas un osât en ouvrir la