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mort du roi qu’il me déclara nettement qu’il n’y falloit plus penser.

Dès lors j’en vis assez pour mal augurer des affaires. Je sentis l’intérêt du duc de Noailles, qui, dans le plan de la convocation des états généraux, n’auroit pas été maître dans les finances, et qu’il avoit fait comprendre au régent que lui-même ne le seroit pas. Je ne dissimulerai pas que cela ne fût vrai, et même l’un des biens qui m’en paraissoit résulter. L’expérience de ce qui s’est passé depuis dans les finances a dû montrer si j’avois eu raison. Avec le projet d’assembler les états généraux tomba celui de la banqueroute : il ôtait trop les moyens de pêcher en eau trouble. Les liquidations et la continuation des impôts et des traités y ouvroit une large porte aux fortunes, aux grâces, aux défaveurs dont M. le duc d’Orléans, et mieux encore le duc de Noailles, auroit le robinet entre les mains. Par là aussi tomba le projet des taxes, et du même coup celui des remboursements et de la multiplication des récompenses qui ont été expliquées. Il n’est pas temps encore de parler des tristes réflexions dont ce début m’accabla, et des autres choses qui les fortifièrent. Les matières vont tellement se multiplier pendant un mois ou six semaines, que ce sera beaucoup faire de n’en rien oublier, et de les démêler pour les présenter avec quelque netteté et quelque ordre.

Tout à la fin de Marly, le roi parut si affaibli, quoiqu’il n’eût encore rien changé dans ses journées, que Mme la duchesse d’Orléans me tourna sur ses frères, et qu’après quelques détours assez empêtrés, car l’orgueil luciférien souffroit bien d’en venir là, elle me témoigna son inquiétude de la première séance au parlement après le roi, et qu’elle m’auroit une grande obligation si je pouvois détourner les pairs d’y rien faire en des moments déjà si accablants pour elle. Je n’avois pas à être embarrassé de la réponse : je lui dis « que je ne croyois pas que les pairs songeassent [à autre chose] qu’aux affaires indispensables d’une séance qui en