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mettre fin aux angoisses du duc de Noailles, pour être en état de lui parler ouvertement sur ce qui regardoit l’avenir par rapport aux finances, et d’en raisonner avec lui. M. le duc d’Orléans à qui je le représentai en jugea de même. Il me permit de lui dire sa destination, et celle de son oncle, et la lui confirma lui-même la première fois qu’il le vit chez lui. Il est difficile d’exprimer, et tout à la fois de contenir plus de joie ; le sentiment fut le premier ressort, la vanité le second. L’adresse se plâtra de l’intérêt du cardinal de Noailles, avouant aussi combien les finances étoient de son goût, parce qu’il s’y étoit, disoit-il, toujours appliqué, et en dernier lieu sous Desmarets depuis son retour, et qu’il se flattoit d’y réussir moins mal que tout autre qu’on y pourroit mettre. Il ne m’épargna pas les protestations de la plus parfaite amitié, de la confiance la plus entière, du concert le plus parfoit avec moi en tout, qu’il me demanda avec instance, enfin de la reconnoissance la plus vive de tout ce que j’avois fait pour lui auprès des ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, si éloignés de lui et de son oncle, et dans un temps de disgrâce profonde personnelle à tous les deux, d’abandon et du dernier embarras à son rappel d’Espagne, et par ces ducs auprès du Dauphin et de la Dauphine, dans leur plus éclatant apogée ; après, de l’avoir raccommodé avec M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans, et conduit où il se voyoit enfin aussi bien que son oncle.

La porte une fois ouverte avec lui sur le futur, nous raisonnâmes sur la destination des autres chefs et présidents des conseils, qu’il approuva. Il me parla de d’Antin qui depuis son duché me courtisoit fort, avec louange et surprise de ne l’entendre destiné à rien ; nous nous parlâmes là-dessus avec confiance ; il ne me nia point ses défauts, comme je lui avouai aussi ce que j’en pensois de bon. Tous deux convînmes que ceux qui étoient destinés à la tête des conseils lui étoient préférables par leur situation personnelle, qu’il n’y avoit même que le conseil du dedans qui lui pût