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des pas derniers des bâtards vers le trône ; la scène qu’à ce propos il me donna chez lui pour m’aveugler, et par moi M. le duc d’Orléans, car la course qu’il me fit faire à Paris pour m’y apprendre ce qui fut le soir même public à Marly, étoit sans ce retentum [1] parfaitement inutile ; le contraste de cette scène avec ce dîner à huis clos qu’il donna mystérieusement aux deux bâtards le jour de leur visite au parlement pour l’enregistrement de leur habilité à la couronne ; l’embarras extrême où il tomba quand il m’en vit informé ; son manège avec M. et Mme du Maine sur l’affaire du bonnet, et sous ce prétexte ses visites si fréquentes à Sceaux, où il ne paraissoit point, mais où il passoit deux heures chaque fois enfermé seul avec M. et Mme du Maine ; les distinctions que seul de sa robé il recevoit du roi sur ses fins, toutes les fois qu’il se présentoit devant lui, et celle qu’il eut dans les derniers mois, encore plus unique, d’aller de Maisons à Marly quand il vouloit, comme le duc de Berwick de Saint-Germain, sous prétexte d’un voisinage dont on ne s’étoit pas avisé jusque-là, et qui avec raison avoit été de tout temps pour le duc de Berwick ; enfin la douleur si marquée de sa mort, arrivée le jeudi au soir, 22 août de cette année, dix jours avant celle du roi, que témoigna le duc du Maine qui n’en étoit pas prodigue, et l’ardeur si empressée avec laquelle il emporta dès le lendemain, vendredi matin, la charge de président à mortier pour le jeune Maisons qui n’avoit pas dix-sept ans, et qui étoit accouru à lui de Paris dans cette confiance ; qu’on ramasse tout cela, je le dis avec horreur, conclura-t-on que ce soit pousser trop loin les soupçons ?

À mon égard, il lui falloit un homme toujours à portée de M. le duc d’Orléans, et à portée de tout avec lui, et qui fût dans le secret de leur liaison. Canillac ne voyoit ce

  1. On appelait ordinairement retentum la partie d’un arrêt qui n’était pas rendue publique (quod erat retentum in mente judicis).