Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

que c’étoit par complaisance, et pour le satisfaire sur une chose en soi indifférente, parce que rien au monde ne me pourroit tenter, encore moins me persuader, sur une pareille entreprise. L’incompréhensible est comment elle avoit pu entrer dans une tête aussi sensée, et que jusqu’à la mort, quoiqu’il nous ait trouvés inébranlables, M. le duc d’Orléans et moi, il ne se soit jamais lassé de nous presser là-dessus, ni rebuté de l’espérance de nous y amener.

Le plus mortel ennemi de M. le duc d’Orléans n’auroit pu imaginer rien de plus funeste à lui persuader, et je ne sais si on auroit trouvé plusieurs personnes assez dépourvues de sens pour y donner sérieusement. Que penser donc d’un président à mortier, de la considération que Maisons s’étoit acquise au palais, à la ville, à la cour, où il avoit toujours passé pour un homme d’esprit, sage, avisé, intelligent, capable et mesuré ? Était-il assez infatué de la nécessité dont il étoit pour M. le duc d’Orléans de supprimer le testament, assez aveuglé de la parole des sceaux qu’il avoit enfin arrachée de ce prince, à ce que j’en pus juger, et de toute l’autorité qu’il se promettoit de tirer de cette place, qu’il sentoit bien qui seroit conservée à Voysin si M. du Maine étoit maître, après tout ce que cette âme damnée avoit si nouvellement fait pour lui, que la passion l’empêchât de voir les suites affreuses et indispensables de l’entreprise qu’il proposoit, que je lui mettois sans cesse devant les yeux, et à pas une desquelles il n’avoit d’autre réponse que le danger évident des dispositions du testament pernicieuses pour M. le duc d’Orléans, toutes pour la grandeur du duc du Maine qui les sauroit bien faire valoir, établi comme il l’étoit, et la nécessité dès là indispensable de le supprimer comme que ce pût être ?

Sa persévérance de près d’une année, qui ne put être, non pas rebutée, mais même le moins du monde ralentie, ni par des raisons si palpables, ni par la résistance toujours égale qu’il trouva en M. le duc d’Orléans et en moi ; sa