Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus universelle haine, et d’un mépris égal, si par l’événement le testament échappoit à l’attaque.

Tout cela fut commenté bien plus au long, sans que Maisons pût être ébranlé le moins du monde, et toutefois sans qu’il eût rien à répondre que l’importance de soustraire un testament qu’il étoit clair qu’on n’avoit fait que contre M. le duc d’Orléans et en faveur des bâtards. Maisons, au partir de chez moi, alla faire à M. le duc d’Orléans la même proposition avec les mêmes instances, et me gagna de la main, espérant apparemment de le persuader s’il lui parloit avant moi. Heureusement il n’en fut pas mieux reçu. Nous lui fîmes à peu près les mêmes objections, parce qu’elles se présentoient d’elles-mêmes, sans lui faire changer de sentiment ? et nous nous le contâmes l’un à l’autre, M. le duc d’Orléans et moi, et tous deux dans un étonnement extrême. Ce qui nous en donna davantage, c’est qu’il persista jusqu’à sa mort, qui précéda de très peu de jours celle du roi, à presser M. le duc d’Orléans de cette extravagance, et moi jusqu’à la persécution.

Il ne tint pas à ses instances redoublées que je ne fisse la sottise d’aller à la buvette de la grand’chambre reconnoître les lieux sur les indications qu’il m’en donnoit, moi qui n’en avois aucun prétexte, et qui de plus n’alloit jamais au palais que pour des réceptions de pairs, ou des occasions où le roi les y mandoit, et qui même alors n’avois jamais approché seulement de la buvette. Ne pouvant vaincre là-dessus ce qu’il appeloit mon opiniâtreté, il me demanda au moins de m’arrêter sur le quai de la Mégisserie, où on vend tant de ferrailles, et d’examiner de là, la rivière entre-deux, la tour où étoit le testament, qu’il me désigna et qui donnoit sur le quai des Morfondus, mais en arrière des bâtiments de ce quai. On peut juger quelle connoissance on pouvoit en tirer de ce point de vue. Je lui promis, non de m’arrêter sur ce quai pour me faire regarder des passants, mais d’y passer, et de voir ainsi ce que je pourrois remarquer, en ajoutant