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sûres et des officiers sages, avisés et affidés tout prêts, avec eux des maçons et des serruriers, marcher au palais, enfoncer les portes et la niche, enlever le testament, et qu’on ne le voie jamais. »

Dans ma surprise extrême, je lui demandai quel fruit d’une si prodigieuse violence, et de plus quelle mécanique pour en venir à bout. J’ajoutai que, quoi qu’il y eût dans le testament, je ne voyois point de comparaison entre la possible espérance qu’il n’eût pas plus d’exécution qu’en avoit eu celui de Louis XIII, comme le roi lui-même ne s’étoit pas caché de le penser, entre essuyer même ses dispositions quelles qu’elles fussent, et violer à main armée un dépôt public et solennel, de cette qualité unique et si royale, dans le sein du sanctuaire de la justice, au milieu de la capitale, soulever le peuple et les provinces, la raison, la nature, ce que les hommes ont de plus sacré entre eux, donner aux ennemis de M. le duc d’Orléans les armes les plus spécieuses, lui débaucher ce qu’il peut avoir d’amis sages et raisonnables par la honte et le péril de lui demeurer attachés, donner aux horreurs répandues contre lui un poids que tous les artifices et toute l’autorité n’avoient pu leur acquérir, autoriser tout ce qui se déclareroit contre lui à tirer les plus grands usages de cette folie, et armer la juste fureur du parlement si grandement outragé par un attentat de cette nature, et dans le moment critique où l’usage abusif presque tourné en loi lui donnoit une autorité avec laquelle il falloit compter dès cet instant même, et souvent encore dans le cours de la régence. Que si, dans l’exécution si odieuse par elle-même, et que les bâtards et le parlement qu’elle réuniroit pour toujours avoient tant d’intérêt d’empêcher, il arrivoit une sédition, peut-être appuyée des Suisses, et qu’il y eût du sang répandu, personne ne pouvoit prévoir jusqu’où cette action étoit capable de conduire, laquelle, quoi qu’il en succédât, combleroit M. le duc d’Orléans d’opprobre, de la plus grande, de la plus juste, de la