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surent bien employer le temps et n’en point perdre. Il n’y en eut guère non plus entre le testament fait et livré et le dernier voyage que le roi ait fait à Fontainebleau, pendant lequel le duc du Maine commença à ourdir la noire et profonde trame de l’affaire du bonnet, et qu’il sut conduire comme on l’a vu. Je ne sais si Maisons étoit entré avec lui dans la confidence de ce chef-d’œuvre de scélérate politique, et qu’en ce cas il eût prévu que le fracas de la fin de cette affaire me rendroit peu accessible à lui, et moins capable de me prêter à ses raisonnements. Quoi qu’il en soit, il ne tarda pas à m’en venir faire un si surprenant, aussitôt que le testament fut déposé au parlement, qu’il est nécessaire, avant de le rapporter, de remettre courtement ici devant les yeux ce qui se passa à cet égard.

Mesmes et d’Aguesseau, premier président et procureur général, mandés de se trouver à l’issue du lever du roi à Versailles pour le dimanche 27 août 1714, y arrivèrent droit chez le chancelier, qui leur remit un édit fort court et fort sec, signé et scellé, pour le faire enregistrer le lendemain. Le roi y déclaroit que « le paquet remis par lui aux premier président et procureur général du parlement contenoit son testament, par lequel il avoit pourvu à la garde et à la tutelle du roi mineur, et au choix d’un conseil de régence, dont, pour de justes considérations, il n’avoit pas voulu rendre les dispositions publiques ; qu’il vouloit que ce dépôt fût conservé au greffe du parlement pendant sa vie, et qu’au moment qu’il plairoit à Dieu de le retirer de ce monde, toutes les chambres du parlement s’assemblassent avec tous les princes de la maison royale, et tous les pairs de France qui s’y pourroient trouver, pour, en leur présence, y être fait ouverture du testament, et après sa lecture, les dispositions qu’il contenoit être rendues publiques et exécutées, sans qu’il fût permis à personne d’y contrevenir, et le duplicata dudit testament être envoyé à tous les parlements du royaume, par les ordres du conseil de régence, pour y être enregistré. »