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de politesse que demande la différence qui est entre un régent et un roi tel surtout que Louis XIV. J’eus toujours attention à ne lui rien dire sur Mme la duchesse de Berry, que j’affectai de ne nommer jamais directement ni indirectement ; l’aventure de Fontainebleau que j’ai racontée m’avoit rendu sage ; mais mon silence sur un point qui se présentoit si naturellement, en traitant tous les autres, devoit au moins être expressif, même éloquent. Si la suite fait voir combien je perdis mon temps et mes peines, la vérité veut que je ne retienne rien et que j’expose tout avec sincérité.




CHAPITRE XII.


Ondes de la cour. — Agitation du duc de Noailles. — Curiosité très embarrassante de Mme la duchesse d’Orléans. — Maisons me fait une proposition énorme et folle, et ne se rebute point de la vouloir persuader à M. le duc d’Orléans et à moi. — Réflexions sur le but de Maisons. — Rare impiété et fin de Maisons et de sa famille.


Plus le temps paraissoit s’avancer par la décadence extérieure du roi, dont pourtant les journées étoient toujours les mêmes, plus chacun pensoit à soi, quoique la terreur qu’on avoit de ce monarque dépérissant à vue d’œil fût telle que M. le duc d’Orléans n’en étoit pas moins absolument esseulé jusque dans le salon de Marly. Mais je remarquois bien qu’on cherchoit à s’approcher de moi, et gros du monde, et gens les plus considérables, et de ces politiques aussi dont le manège effronté court après ceux à qui ils n’ont jamais parlé, dès qu’ils se les croient pouvoir rendre utiles, auprès desquels leur souplesse fait effort de les approcher. Je m’étois souvent moqué de ces prompts amis