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roi commenceroit à voir et à entendre, quels contre-temps aux affaires, quelle indécence à tout, quelle prise sur sa faveur aux petits compagnons de ses plaisirs, quelle honte, et quel embarras à lui-même vis-à-vis des personnages françois et étrangers, quelle large porte aux discours, quel péril de mépris et du peu d’obéissance qui le suit toujours ! J’ajoutai que le comble de la mesure seroit l’impiété, et tout ce qui la sentiroit, qui feroit ses ennemis de toute la nation dévote, cléricale, monacale, dont le danger étoit extrême, et qui en même temps lui éloigneroit les honnêtes gens, et ceux qui auroient des mœurs, de la gravité, surtout de la religion ; que par là il rétorqueroit contre lui ce raisonnement des libertins, qu’il aimoit à répéter et à applaudir ; que la religion est une chimère que les habiles gens ont inventée pour contenir les hommes, les faire vivre sous certaines lois qui maintiennent la société, pour s’en faire craindre, respecter, obéir, et qui étoit nécessaire aux rois et aux républiques pour cet usage, à tel point qu’il n’y avoit point eu de peuples policés qui n’en aient eu une que leur gouvernement avoit soigneusement maintenue, jusqu’aux différents peuples sauvages, à quoi leurs anciens et leur conseil étoient très exacts pour eux-mêmes, et pour ceux qui leur obéissoient. Qu’il devoit donc comprendre l’intérêt qu’il avoit de respecter la religion par ses propres principes, et de ne montrer pas un exemple d’impiété qui le rendroit odieux.

J’appuyai beaucoup sur un article si principal, et je lui dis ensuite qu’il ne s’agissoit point d’hypocrisie, qui est une autre extrémité fort méprisable, mais de s’interdire tout propos libre sur la religion, de traiter avec sérieux tout ce qui y a rapport, et d’en observer au moins les dehors par une pratique bien facile, dès qu’on s’en tient à l’écorce, et au pur indispensable de cette écorce ; de ne souffrir en sa présence, ni plaisanterie, ni discours indiscret là-dessus, et de vivre au moins en honnête mondain qui respecte la religion du pays qu’il habite, et qui ne montre rien du peu de