Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/276

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après, se raccroche à un autre, au pis aller demeure oisif, et jouit de ses larcins sans être recherché de rien de tout ce qu’il a commis.

Cette méthode, à l’égard des chemins, ôteroit de soi-même un autre abus, qui est multiplié à l’infini, qui est que sur une somme destinée et touchée effectivement pour tel ou tel chemin, l’homme de crédit qui s’en trouve à quelque distance, un intendant des finances, un fermier général, un trésorier de toute espèce, suprêmement les ministres, détournent ce fonds en partie, quelquefois en total pour leur faire des chemins, des pavés, des chaussées, des ponts qui ne conduisent qu’à leurs maisons de campagne, et dans leurs terres, moyennant quoi il ne se parle plus de la première et utile destination pour le public, et l’intendant qui y a connivé y trouve une protection sûre, qui le fait regarder avec distinction par les maîtres de son avancement. Je comptai à ce propos à M. le duc d’Orléans que c’étoit ainsi que les puissants de ce temps-ci, c’est-à-dire de la plume et de la robe, car il n’y en a plus d’autres, avoient embelli leurs parcs et leurs jardins de pièces d’eau revêtues de canaux, de conduites d’eau, de terrasses qui avoient coûté infiniment, et dont ils n’avoient déboursé que quelques pistoles, et que le roi parlant à Mme de La Vrillière dans son carrosse où étoit Mme la duchesse de Berry et Mme de Saint-Simon, allant à la chasse de Châteauneuf où elle avoit été de Fontainebleau, elle lui en avoit vanté la terrasse, qui est en effet d’une rare beauté sur la Loire : « Je le crois bien, répondit sèchement le roi, c’est à mes dépens qu’elle a été faite, et sur les fonds des ponts et chaussées de ces pays-là pendant bien des années. » J’ajoutai que si l’image d’un secrétaire d’État, car cette charge n’est pas autre chose, avoit osé faire ce trait sans qu’il en ait rien été, que n’auront pas fait tous les autres secrétaires d’État, et gens en place considérables dans la robe, dans la plume, et en sous-ordre, les financiers et les petits tyranneaux que j’ai nommés dans