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disposer sur-le-champ de la vacance pour donner soi-même, en avoir le gré, et ne se les laisser pas arracher avec peu ou point de reconnoissance, et encore moins de choix. Je le fis souvenir du très juste scrupule qui avoit obligé le roi à délivrer de vénalité les charges de ses aumôniers, parce qu’elles étoient le chemin ouvert aux bénéfices et aux prélatures, et le soin qu’il devoit se prescrire de ne l’y pas laisser rentrer ; chose, s’il n’y étoit exact, qui seroit trouvée bien plus mauvaise de lui par la licence de sa vie jusqu’alors, qui lui feroit mépriser les faubourgs de la simonie que le roi avoit si saintement anéantis.

Je lui parlai aussi de l’affreux état où on avoit laissé tomber les chemins par tout le royaume, tandis que chaque généralité payoit de si grosses sommes pour leur réparation et entretien, et que si on en employoit quelque chose, il en demeuroit la moitié dans la poche des entrepreneurs, qui faisoient encore de très mauvais ouvrages, et qui ne duroient rien ; que cet article étoit de la dernière importance pour le commerce intérieur du royaume qu’il interceptoit totalement en beaucoup d’endroits, faute de ponts et de chaussées qui manquoient sans nombre, et qui obligeoient à faire de longs détours, ce qui, joint au nombre doublé et triplé de chevaux pour traîner les voitures dans les chemins rompus où elles s’embourboient et se cassoient continuellement, causoit une triple dépense, qui, sans compter la peine et le travail, dégoûtoit les moins malaisés, et passoit les forces de tous les autres ; que la Flandre espagnole ou conquise, l’Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté, le Languedoc lui donnoient un exemple qu’il falloit suivre, et qui méritoit qu’il entrât dans la comparaison de l’aisance et du profit qu’y trouvoient ces provinces, pour leurs commerces de toutes les sortes, avec le dommage qu’éprouvoit tout le reste du royaume. Que pour y parvenir, il étoit aisé de répandre en pleine paix les troupes par le royaume, et de se servir d’elles pour la réparation des chemins ; qu’elles y trouveroient un bien-être qui