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ce qui seroit le plus puissant et le plus pressant véhicule à céder et à payer promptement. Mon projet pour les suites, dont je fis sentir l’importance et la convenance à M. le duc d’Orléans, étoit de trouver moyen de payer peu à peu tous les régiments de cavalerie, d’infanterie et de dragons pour en ôter la vénalité à jamais, qui ferme la porte à tout grade militaire à qui n’y peut atteindre, et en laisseroit la libre disposition au roi. La France est le seul pays du monde où les offices de la couronne, les charges de la cour et de la guerre, et les gouvernements soient vénaux ; les inconvénients de cet usage aussi pernicieux qu’il est unique sont infinis, et il n’est point immense de l’abolir. À l’égard des autres sortes de charges, il seroit chimérique de penser sérieusement à en ôter la vénalité, tant cette mer est vaste, mais bien important de ne perdre pas les occasions de rendre libres les charges des premiers présidents, et des procureurs généraux des parlements, chambres des comptes et cours des aides, pour que le roi en pût disposer librement.

Je n’oubliai pas encore de remontrer à M. le duc d’Orléans avec combien de raison le roi s’étoit rendu si difficile sur les coadjutoreries d’évêchés et d’abbayes, qu’on n’en voyoit plus depuis longtemps, l’inconvénient de l’ambition des parents, et si souvent [celui] de la mésintelligence qui se mettoit entre les titulaires et les coadjuteurs ; je le fis souvenir du juste repentir qu’avoit eu le roi de la complaisance qu’il avoit eue de permettre celle de Cluni, et combien il se devoit garder, et le roi, lorsqu’il seroit majeur, de prendre jamais d’engagement avec qui que ce fût pour rien qui ne fût pas vacant, et combien il étoit utile tant pour les places de l’Église que pour toutes les autres, de se former un état de ceux qu’on croit devoir placer par étages et par classes, afin de pouvoir choisir soi-même le successeur d’une place dont le titulaire menace une ruine prochaine, ou dont on apprend la mort, pour n’être pas en proie aux demandeurs, à gens quelquefois qu’on ne veut pas refuser, et pouvoir